Lors d’une rencontre organisée par Génération Libre, Le Point et Albin Michel, le philosophe Gaspard Koenig a interrogé l’auteur de « Sapiens », « Homo Deus » et « 21 leçons pour le 21ème siècle ».
Pour visionner le teaser de la conférence, cliquer ICI.
Compte-rendu des échanges sur le revenu universel ICI et sur la patrimonialité des données ICI.
Pour Yuval Noah Harari, la capacité à formuler des histoires est la source de l’humanité. Elles expliquent pourquoi et comment de larges groupes peuvent coopérer. Par exemple, nous avons créé l’histoire du football : ses règles sont acceptées par tous, et le jeu mobilise des millions de supporters dans le monde entier créant une histoire collective mondiale. Les histoires deviennent problématiques lorsque les individus commencent à se battre pour elles, qu’ils oublient que ce sont de simples histoires inventées pour collaborer ensemble. Il n’y a pas de Dieu au-delà du Dieu inventé pour nous. L’histoire n’est ainsi pas téléologique, elle est sans but. Les progrès scientifique et politique ont rendu impossible tout retour en arrière. Si le futur peut modeler le comportement des individus, il est aujourd’hui si incertain avec la révolution de l’intelligence artificielle et l’essor de la technologie, que le passé prend le pas.
Pour Yuval Noah Harari, la capacité à formuler des histoires est la source de l’humanité.
Yuval Noah Harari pense ainsi que la plupart de nos décisions ne relèvent pas de notre libre arbitre. Certes, nous avons des intentions et des désirs, mais d’où viennent-il ? Les avons-nous réellement choisi ? Ne sont-ils pas plutôt biologiques ou le résultat d’impressionnants réseaux ? Se basant sur des études neuroscientifiques, il soutient que la vaste majorité de nos décisions (avec qui nous sortons, pour qui nous votons, etc.) ne résultent pas de notre libre arbitre. Gaspard Koenig souligne le paradoxe de cette opinion qui est loin de faire consensus dans la communauté neuroscientifique. En effet, si l’on n’a pas de libre arbitre, alors pourquoi ne pas capituler face à l’intelligence artificielle et accepter le confort et la commodité qu’elle nous confère ? Au contraire, si l’on pense qu’il y a toujours quelque chose à explorer dans nos processus de prise de décisions, alors il faudrait s’opposer au système d’intelligence artificielle et empêcher qu’il acquiert trop de pouvoir.
Yuval Noah Harari pense que la plupart de nos décisions ne relèvent pas de notre libre arbitre.
Pour dépasser ces problèmes philosophiques, Yuval Noah Harari admet l’hypothèse d’une forme de liberté. Le cœur du débat n’est l’existence ou l’absence de liberté. Selon lui, dans la plupart des cas, les individus font des choix, y compris les plus importants de leur vie, qui ne relèvent pas d’un véritable choix. Le problème dans l’idée de libre arbitre est sa formulation. La liberté est présupposée être quelque chose que l’on possède, quand il faudrait lutter et se battre pour elle. La liberté est la finalité, non le départ. Il est dangereux de penser que l’on exerce son libre arbitre dans chaque décision prise, car cela ne nous pousse pas à nous interroger sur ce que nous sommes et sur la nature de nos désirs. De plus, cela nous rend plus facilement manipulable par autrui, ce qui est extrêmement problématique dans nos démocraties libérales, comme nous avons pu le voir depuis l’élection de Donald Trump et le vote du Brexit.
Il est dangereux de penser que l’on exerce son libre arbitre dans chaque décision prise, car cela ne nous pousse pas à nous interroger sur ce que nous sommes et sur la nature de nos désirs.
Les démocraties libérales sont-elles la fin de l’histoire, comme Fukuyama semblait le penser en 1995 ? D’après Yuval Noah Harari, elles sont de loin le régime politique le plus adaptable. Elles ont réussi à s’adapter et à progresser à travers une série de crises, dont la gravité a atteint son apogée au XXème siècle (guerres mondiales, Grande Dépression de 1929, etc.). Ainsi, Yuval Noah Harari est le porteur d’un message d’espoir : si aujourd’hui nos démocraties libérales sont à nouveau en crise, elles ont de grandes chances de se réanimer.
Ainsi, Yuval Noah Harari est le porteur d’un message d’espoir : si aujourd’hui nos démocraties libérales sont à nouveau en crise, elles ont de grandes chances de se réanimer.
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Compte-rendu des échanges sur le revenu universel ICI et sur la patrimonialité des données ICI.
Lors d’une rencontre organisée jeudi dernier par Génération Libre, Le Point et Albin Michel, Gaspard Koenig et l’historien Yuval Noah Harari ont, entre autres sujets, débattu de la notion de patrimonialité des données. En janvier 2018, notre think-tank a publié un rapport en faveur de la patrimonialité des données : « Mes data sont à moi » (lire ICI).
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Voici le compte-rendu de l’échange entre Gaspard Koenig et Yuval Noah Harari sur ce sujet.
Gaspard Koenig défend un système de propriété privée des données personnelles dans lequel chacun dispose librement de ses données et peut les vendre si souhaité. Non seulement cela éviterait les problèmes de gouvernance qui émergent dans le cas d’une propriété collective des données, mais aussi chacun déciderait ainsi de la destination des données.
Gaspard Koenig défend un système de propriété privée des données personnelles dans lequel chacun dispose librement de ses données et peut les vendre si souhaité.
Dans son dernier livre, Yuval Noah Harari précise que la possession et la collection des données personnelles est la question politique la plus importante de notre temps. Les données ont en effet un immense impact économique. Prenons l’exemple d’une entreprise qui, en collectant les scans ADN et les dossiers médicaux de dix millions d’individus, et s’en servant, découvre qu’un gène spécifique est responsable d’une certaine maladie. Fort de cette découverte, l’entreprise développe alors un traitement onéreux pour soigner cette maladie, et gagne des millions d’euros de bénéfice, profit réalisé grâce à l’utilisation des données des dix millions d’individus. Cependant, ces individus ne sont pas nécessairement au courant, et n’ont pas forcément donné leur accord à l’utilisation de leurs données.
Pour résoudre ce problème, Yuval Noah Harari imagine un système similaire à celui de Gaspard Koenig, dans lequel celui qui possède ses données médicales peut décider de les vendre à l’entreprise qui lui fait la meilleure offre. L’individu pourrait alors avoir des parts dans l’entreprise, de manière à ce qu’il récupère une part de revenu si l’entreprise génère du profit de l’utilisation de ses données. Dans une moindre mesure, Yuval Noah Harari pense que cela pourrait être une alternative au revenu universel — auquel il est opposé, voir notre article (ICI) sur la question pour plus de détails. En effet, nos données numériques sont nos actifs les plus importants, prévient-il. C’est une proposition qui suscite actuellement beaucoup de projets et recherches, notamment en droit et en économie.
Pour résoudre ce problème, Yuval Noah Harari imagine un système similaire à celui de Gaspard Koenig, dans lequel celui qui possède ses données médicales peut décider de les vendre à l’entreprise qui lui fait la meilleure offre.
Pour Yuval Noah Harari, la propriété privée des data est aussi avantageuse sur le plan collectif, surtout à l’échelle d’un pays. Si actuellement une entreprise va en Argentine pour acheter des mines de fer, elle va rémunérer les Argentins. Si néanmoins elle va en Argentine pour acheter des bases de données numériques, les Argentins ne seront pas rémunérés pour l’appropriation de leur data. Ainsi, tout comme l’OPEC est une organisation mondiale représentant les intérêts des pays exportateurs de pétrole, il devrait y avoir une organisation pour les pays exportateurs de data. Dans un monde révolutionné par l’intelligence artificielle, les pays laissés pour compte et qui n’ont pas d’industries liées à l’IA pourront ainsi avoir une part du gâteau — ce sont d’ailleurs généralement de gros producteurs de data. Le risque sinon est d’assister au développement d’une forme de colonialisme numérique, divisant le monde entre colonisateurs (Silicon Valley, Chine) qui extorquent les données des colonisés (Afrique, Amérique Latine,…) pour les utiliser à leur bénéfice chez eux.
Ainsi, pour Yuval Noah Harari, tout comme l’OPEC est une organisation mondiale représentant les intérêts des pays exportateurs de pétrole, il devrait y avoir une organisation pour les pays exportateurs de data.
Le colonialisme et l’extorsion des matières premières étaient l’apanage du 19ème siècle. Selon Yuval Noah Harari, nous pouvons mieux faire au 21ème siècle. Il est dur cependant de trouver une régulation appropriée concernant les données numériques, la difficulté étant déjà de réussir à conceptualiser ce qu’est une donnée. Ce qu’est la possession d’une donnée n’est pas si évident comparé par exemple à la possession d’un terrain. Un terrain ne peut pas être copié à l’infini. Si la propriété intellectuelle solutionne ce problème pour les livres, la musique, etc., les structures légales qui donneraient aux individus un réel droit de propriété sur leurs données n’existe pas encore.
Une solution à ce problème envisagée par Yuval Noah Harari pourrait être la création de syndicats de propriétaires de data, qui pourront négocier avec Amazon, Ali Baba et autres GAFA des accords d’utilisation des données.
Une solution à ce problème envisagée par Yuval Noah Harari pourrait être la création de syndicats de propriétaires de data, qui pourront négocier avec Amazon, Ali Baba et autres GAFA des accords d’utilisation des données. Ce qu’Amazon veut de moi n’est en effet pas ce que je possède, mais ce que je suis. Il veut savoir ce que j’aime, ce que je n’aime pas, les films que je regarde, etc. Il veut savoir ce qu’est ma vie. Ainsi, pour vendre mes data est d’une certaine manière vendre ma vie, car cela aide les plateformes à atteindre leur but ultime : me connaître mieux que je me connais moi-même, pour m’offrir une meilleure gamme de produits. Ainsi, des syndicats pourraient répondre efficacement à ce problème, rendant plus équitable une relation jusqu’alors très inégalitaire entre entreprises et consommateurs.
Pour lire notre rapport « Mes data sont à moi », cliquer ICI.
Lors d’une rencontre organisée jeudi dernier par Génération Libre, Le Point et Albin Michel, Gaspard Koenig et l’historien Yuval Noah Harari ont, entre autres sujets, débattu de la notion de revenu universel. Depuis plusieurs années, notre think-tank défend une proposition de revenu universel ambitieuse et budgétée : « Le LIBER, un revenu de liberté pour tous » (lire ICI).
Pour visionner le teaser de la conférence, cliquer ICI.
Voici le compte-rendu de l’échange entre Gaspard Koenig et Yuval Noah Harari sur ce sujet.
Gaspard Koenig plaide pour un revenu universel de base, reçu par tous de manière inconditionnelle, tout au long de leur vie, et perçu sous la forme d’un crédit d’impôt. Un tel revenu universel fournirait aux individus une véritable liberté de choix dans leurs activités. Par ailleurs, dans un monde schumpetérien où le contenu des emplois change régulièrement de nature, un revenu universel de base s’accorderait avec une société où le travail revêt, en conséquence, des formes de plus en plus variées.
Pour Gaspard Koenig, un tel revenu universel fournirait aux individus une véritable liberté de choix dans leurs activités.
Yuval Noah Harari est plus mitigé sur la pertinence du revenu universel de base. Certes, de nouveaux emplois seront créés via le processus de destruction créatrice, mais y en aurait-il assez, et de façon égale sur l’ensemble du globe ? Est-ce que les personnes concernées seront capables de développer les nouvelles compétences requises dans le temps imparti ? La pression psychologique peut être d’une grande violence quand on doit se réinventer à 40, 50 et 60 ans à cause de l’intensification de la révolution de l’intelligence artificielle.
Pour Yuval Noah Harari, la pression psychologique peut être d’une grande violence quand on doit se réinventer à 40, 50 et 60 ans à cause de l’intensification de la révolution de l’intelligence artificielle.
D’après Yuval Noah Harari, le problème ne vient pas forcément des pays leaders de la révolution de l’intelligence artificielle qui, à travers une offre plus grande de services, verront la demande de travail augmenter. Le problème vient des pays qui ne suivront pas cet essor technologique. Ces pays perdront leur statut d’ « usine du monde » et les emplois qui vont avec. Si les procédés de production sont automatisés, pourquoi en effet exporter les robots au Bangladesh et ajouter des coûts de transports quand la production peut être relocalisée dans le pays-consommateur ?
Surtout, ces pays risquent d’être exclus de cette nouvelle offre de service. Si les milliers d’ingénieurs en Californie veulent chacun un professeur de yoga privé, un jardinier personnel, etc., ils ne peuvent engager quelqu’un en Honduras, sauf si ce dernier émigre. De là découle une importante question concernant l’immigration. Les travailleurs du Honduras, par exemple, seront-ils autorisés à venir travailler aux Etats-Unis pour chaque ingénieur californien ? C’est peu probable, et dans ce cas un fort déséquilibre entre la demande de travailleurs aux Etats-Unis et le chômage au Honduras se maintiendra.
La définition de chaque terme de « revenu universel de base » est aussi problématique. Qu’est-ce qu’ « universel », et qu’est-ce qui est « de base » ? Ainsi, quelle est l’échelle d’application du revenu universel? Est-elle nationale ou mondiale ?
La définition de chaque terme de « revenu universel de base » est aussi problématique. Qu’est-ce qu’ « universel », et qu’est-ce qui est « de base » ? Ainsi, quelle est l’échelle d’application du revenu universel? Est-elle nationale ou mondiale ? S’il est relativement acceptable de prendre de l’argent en Californie pour payer des gens en Pennsylvanie, prendre de l’argent en Californie pour payer des gens en Honduras est un sujet beaucoup plus sensible.
En outre, la définition de ce qui est « basique » est culturelle.
En outre, la définition de ce qui est « basique » est culturelle. Biologiquement parlant, 3000 calories par jour suffisent à l’Homme. Néanmoins, en France d’autres variables pourront être considérées comme étant de base, telle l’éducation. Dans ce cas, quel niveau d’éducation y correspond ? Primaire ? Lycée ? Doctorat ? Cela inclut-il de savoir jouer du violon ? La décision de ce qui relève du nécessaire est primordiale, car ce qui sera défini comme tel sera offert à tous, mais le reste pourra n’être accessible qu’à une élite.
Est-ce qu’une quantité d’argent pourrait malgré tout aider les individus à prendre librement des décisions, indépendamment de toutes contraintes financières, comme le défend Gaspard Koenig ? Le prix d’un bien ou service est déterminé par combien doit être versé pour l’usage de ce bien ou service. Ainsi en offrant la même somme à tous, le revenu universel réintroduit des mécanismes de justice sociale, car tout le monde sera privé d’une quantité similaire de biens qui seront achetés par d’autres.
Yuval Noah Harari introduit l’exemple de la biotechnologie pour répondre à cet argument. Parce qu’extrêmement onéreuse, il est impossible de la fournir à tous. Ainsi, que faire si seules les élites peuvent vivre jusqu’à 500 ans ou concevoir de super-bébés ? Interdit-on la biotechnologie parce qu’elle n’est pas accessible à tous ou accepte-t-on que ce soit l’avantage des plus riches exclusivement ?
Ainsi, que faire si seules les élites peuvent vivre jusqu’à 500 ans ou concevoir de super-bébés ? Interdit-on la biotechnologie parce qu’elle n’est pas accessible à tous ou accepte-t-on que ce soit l’avantage des plus riches exclusivement ?
Les individus considèrent généralement comme acquis ce qu’ils ont déjà. Ainsi, Yuval Noah Harari souligne qu’on ne peut réellement rétorquer à quelqu’un qui se plaint qu’il est privilégié parce qu’il accès à de meilleurs soins de santé que n’en avaient Louis XVI. Les gens ne se comparent pas au passé, mais aux élites du présent. Ainsi, si les plus riches de la planète peuvent vivre éternellement, ceux qui ne le peuvent pas s’en plaindront. C’est pourquoi le revenu universel ne peut pas apaiser les tensions sociales entre les différentes classes. S’il peut donner accès à un certain nombre de biens ou services, le débat politique se portera alors sur ce qui reste inaccessible.
Pour lire notre rapport « Le LIBER, un revenu de liberté pour tous », cliquer ICI.
Mercredi 14 novembre, notre think-tank a organisé une conférence avec l’association Think Libéral à SciencePo sur la liberté de la presse. Découvrez ici le compte-rendu de cette rencontre entre Peter Greste, grand reporter et auteur de « Voyage d’un reporter au pays de la censure », et Anne Nivat, grand reporter et auteur de l’ouvrage « Un continent derrière Poutine ». Un événement animé par Gaspard Koenig.
C’est en passant du temps dans un pays, lors d’une investigation sur le terrain, que l’on comprend les limites à ne pas franchir, les informations qui peuvent être divulguées et celles qui peuvent mener à la prison.
Si Peter Greste est un spécialiste de l’Afrique subsaharienne, il connaissait peu l’Egypte. A l’époque en 2013, les Frères musulmans avait été écartés du pouvoir par l’armée. Pour les sympathisants, c’était un coup d’Etat ; pour les opposants, l’armée ne faisait que respecter la volonté des citoyens. Néanmoins, les détracteurs du nouveau gouvernement et les soutiens des Frères musulmans étaient emprisonnés par centaines. Dans ce contexte, Greste, envoyé par Al Jazeera, devait remplacer un collègue pour un mois. Deux semaines après son arrivée, il était arrêté un soir sans explication.
L’arrestation de Greste était symbolique, c’était un message envoyé aux autres journalistes. Parlez aux Frères musulmans, et vous serez arrêtés.
Lors de son procès quelques mois plus tard, on l’accuse d’être coupable d’activité terroriste, d’être membre d’une organisation terroriste et de répandre des « fake news » pour déstabiliser le régime égyptien. Présentation des preuves, on ouvre son ordinateur, et retentit alors la musique qu’il écoutait lors de son arrestation. Les autorités n’avaient même pas pris la peine de l’ouvrir : trouver des preuves viables pour justifier les chefs d’accusation importait peu. L’arrestation de Greste était symbolique, c’était un message envoyé aux autres journalistes. Parlez aux Frères musulmans, et vous serez arrêtés. Il fut finalement détenu pendant 400 jours avant d’être libéré. Ses collègues égyptiens, arrêtés en même temps, furent relâchés peu après.
Lorsque Manuel Valls a dit après l’attentat du Bataclan que « comprendre, c’est pardonner», il réfutait l’un des principes essentiels de la démocratie qui est de comprendre les idéologies extrêmes pour en débattre et pour les contrer.
Anne Nivat l’a bien relevé : le travail d’un journaliste est de présenter des faits et non des opinions, pour montrer la complexité d’un conflit. En aucun cas un journaliste ne doit prendre parti, et il doit tendre au maximum vers l’objectivité, remettant constamment en cause les dires qu’on lui rapporte. Cependant, cette mission est aujourd’hui de plus en plus mise à mal. Lorsque G.W. Bush a clamé en réaction aux attentats du 11 septembre 2001 qu’on était soit contre les terroristes, soit avec eux, il a offert un choix binaire, dans lequel ne pouvaient se retrouver les journalistes qui doivent respecter l’impartialité. Lorsque Manuel Valls a dit après l’attentat du Bataclan que « comprendre, c’est pardonner», il réfutait l’un des principes essentiels de la démocratie, qui est de comprendre les idéologies extrêmes pour en débattre et pour les contrer. Or, Greste, citant Mill, alerte contre le danger de prendre parti car « personne n’a le monopole de la vérité. » L’idée d’une vérité absolue est dangereuse et fausse. Nivat insiste, il y a assister à un événement et il y a l’interpréter. Deux personnes peuvent voir la même chose et en tirer des interprétations différentes. Le devoir d’un journaliste est ainsi de rapporter les événements et les visions de chaque parti sans juger ni être partial. Chose difficile aujourd’hui où le ton est à la polémique et au patriotisme.
L’idée d’une vérité absolue est dangereuse et fausse. Le devoir d’un journaliste est ainsi de rapporter les événements et les visions de chaque parti sans juger ni être partial.
C’est pourquoi le journalisme est avant une question de curiosité. La curiosité d’aller voir, de rapporter, de débattre, de ne jamais prendre pour argent comptant ce qui est rapporté. Ce devoir d’impartialité est essentiel, aussi bien pour le journalisme que pour le maintien de nos démocraties libérales.
Comment exercer le métier de journaliste aux pays de la censure ? Le mercredi 14 novembre à 19h, GénérationLibre organise avec l’association Think Liberal SciencesPo une rencontre autour de Peter Greste, grand reporter et auteur, et Anne Nivat, reporter de guerre et docteur en sciences politiques.
La liberté de la presse est un combat permanent contre la censure. Comment exercer le métier de journaliste au 21ème siècle ?
Pour en parler, GénérationLibre est heureux d’accueillir Peter GRESTE, reporter et auteur. Correspondant australo-letton, il a travaillé pour Reuters, CNN et la BBC, principalement au Moyen-Orient, en Amérique latine et en Afrique. Arrêté fin 2013 par les autorités égyptiennes, puis libéré, il s’est ensuite consacré à la défense de la liberté de la presse. Ce mercredi 14 novembre, Les éditions de l’Observatoire publient la traduction de son dernier ouvrage « Voyage d’un reporter au pays de la censure ».
Pour lui donner la réplique, nous accueillons Anne NIVAT, reporter de guerre et docteur en sciences politiques. Indépendante, elle s’est spécialisée dans les zones les plus sensibles du globe, et publie notamment dans le magazine Le Point.
Gaspard KOENIG, philosophe et fondateur du think-tank GénérationLibre, introduira les échanges.
Événement en anglais.
PROGRAMME
19h : Accueil
19h15 : Introduction par Gaspard Koenig
19h20 – 20h : Echanges entre Peter GRESTE et Anne NIVAT
20h – 20h30 : Questions/Réponses avec la salle
INSCRIPTIONS : cliquer ICI
Mercredi 14 novembre
de 19h à 20h30
à SciencesPo, 28 rue des Saint Pères (75007), amphithéâtre Simone Veil
Freedom of the press is constantly threatened by censorship. How can journalists properly do their job and report the news in the 21st century?
To (try to) answer these questions, we are hosting Peter GRESTE, reporter and writer. He’s an Australian and Lithuanian correspondent who worked for Reuters, CNN and the BBC, mainly in the Middle East, Latin America and Africa. Arrested at the end of 2013 by the Egyptian government, then freed, he has since then been fighting for the defense of a free press . Wednesday, November 14th, Les Editions de l’Observatoire will release the French edition of his latest book The First Casualty.
Anne NIVAT, PhD in politics and war reporter, will be leading the debate . As a freelance journalist, she has covered the most sensitive regions of the world, andis a regular writer in the French weekly magazine Le Point.
Gaspard Koenig, philosopher and founder of the think tank GenerationLibre will introduce these exchanges.
On Wednesday, November 14th from 7 to 8:30 pm at SciencesPo, 28 rue des Saints Pères (75007), Simone Veil room
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Mercredi 24 octobre, notre think-tank a organisé une conférence à l’ENS pour penser la réinvention du libéralisme. Découvrez ici le compte-rendu de cet événement modéré par Kenneth Cukier de The Economist. A Glen Weyl qui propose d’abolir le monopole de la propriété privée pour y substituer un système de marché radical, Gaspard Koenig propose d’étendre la notion de propriété jusqu’aux horizons de la « propriété de soi ».
Meeting minutes (EN) : Marketopia or Self ownership
On assiste aujourd’hui à une crise économique et politique de l’ordre dit néolibéral. Les inégalités augmentent, la croissance de la productivité diminue, les monopoles se renforcent. La montée de l’extrémisme politique pointe de nombreuses failles dans nos démocraties.
Dans ce contexte, Glen Weyl imagine ce que serait Marchutopie, la société idéale. À Marchutopie, il n’y a plus de notion de propriété privée. Tout est constamment mis aux enchères, à un prix compétitif. Lorsque l’on possède un bien, on doit auto-évaluer sa valeur, et payer en une taxe pour son usage. Weyl appelle cela la « taxe auto-évaluée de propriété commune ». Surtout, on doit être prêt à céder son bien si un enchérisseur est prêt à payer plus pour le posséder.
À Marchutopie, il n’y a plus de notion de propriété privée. Tout est constamment mis aux enchères, à un prix compétitif.
On pourrait croire que ce mécanisme, au lieu de redistribuer la richesse, permettrait au contraire aux plus favorisés de l’accumuler. Cependant, il est nécessaire ici de s’interroger, qu’est-ce qui constitue la richesse des « riches » ? C’est posséder des terrains, des entreprises, de l’immobilier. Or, cela sera impossible à Marchutopie. Ainsi, les biens seront répartis de manière efficace, à travers des prises de décisions collectives. Le profit des enchères sera de plus reversé à la société, soit sous la forme d’un dividende social, semblable à un revenu universel, soit sous la forme de provision de biens communs.
Si cette société paraît idéale, Gaspard Koenig lui oppose de nombreuses critiques. Tout d’abord, l’homme ne bénéficierait pas forcément de l’abolition de la propriété privée. Posséder est important pour l’homme, car cela lui donne une certaine individualité. L’image des hommes se construit à travers leurs propriétés, ce qui leur permet de se projeter dans le futur. Quand je possède une maison, je peux imaginer ce que sera ma vie future dans cette maison. Ainsi, comme l’a montré de nombreux philosophes comme Locke, la propriété privée est part de l’identité humaine. De plus, posséder un bien sur le long terme permet aux propriétaires d’être plus libre dans leur usage de l’objet. Ils n’ont pas besoin d’en maximiser l’efficacité, ils peuvent choisir une utilisation sous-optimale s’ils le préfèrent.
Posséder est important pour l’homme, car cela lui donne une certaine individualité
Ainsi, Gaspard Koenig craint, dans la théorie de Glen Weyl, un déni de l’individualisme au profit du collectivisme, à l’image de la société chinoise. S’il soutient la thèse de séparer des marchés la notion de propriété privée, il dénonce les moyens défendus par Weyl pour le faire. Pourquoi, à la place d’interdire la propriété privée, ne donnerions-nous pas plutôt des biens à tout le monde ? Dans ce scénario, ce ne serait plus le capital que l’on taxerait, mais la consommation, car en possédant un bien on prive la société de son usage.
Finalement, les désaccords entre Gaspard Koenig et Glen Weyl reflètent une profonde opposition idéologique : l’idée de propriété privée radicale versus l’idée de marchés radicaux. Pour le premier, l’essentiel du libéralisme est la suprématie de l’individu. Pour le second, c’est un champ ouvert de possibilité, dynamique et fluide, en opposition à des autorités arbitraires et hiérarchiques.
Et si, pour abolir les dernières rentes, tout devenait marché ? Au contraire, comment réhabiliter la propriété ? C’est le thème du débat organisé par le think-tank GénérationLibre avec Glen Weyl et Gaspard Koenig, modéré par Kenneth Cukier, le mercredi 24 octobre à 8h.
Au fondement du libéralisme, la propriété privée est aujourd’hui contestée par les libéraux les plus radicaux.
Dans l’ouvrage Radical Markets, Glen WEYL et Eric POSNER proposent une alternative au socialisme à l’heure de la crise du néolibéralisme. Leur thèse : il faut briser le monopole de la propriété pour rendre les marchés efficients dans tous les domaines. Ici, la propriété trouve sa valeur dans l’usage : la finalité des échanges. Le marché remplace la souveraineté populaire.
A cette vision, Gaspard KOENIG souhaite proposer un individualisme tout aussi radical : réhabiliter la propriété comme expression d’un pouvoir de création de soi sur soi. (lire ICI)
Evenement en anglais avec Glen WEYL, économiste et chercheur chez Microsoft, et Gaspard KOENIG, philosophe et président de GénérationLibre, qui en débattent ce mercredi 24 octobre de 8h à 10h. Kenneth CUKIER, journaliste de The Economist modérera ce débat.
PROGRAMME
8h : Accueil
8h15 : Introduction Maxime Sbaihi, DG du think-tank GénérationLibre
8h20 – 9h20 : Débat Glen Weyl x Gaspard Koenig
9h20 – 10h : Questions/Réponses avec la salle
INSCRIPTION : cliquer ICI
Mercredi 24 octobre
de 8h à 10h
à l’ENS, 45 rue d’Ulm à Paris (75005)
What if a limitless expansion of the market was the best way to abolish rents ?
The more radical liberals today contest private property, even if it used to be one of the fundamental principles of liberalism. Glen Weyl and Eric Posner offer an alternative to socialism in view of the crisis of neoliberalism. To make markets efficient we must break the monopoly of private property, they argue in Radical Markets. Property’s value resides in its use, i.e. the purpose of exchanges. Markets replace people’s sovereignty.
By contrast, Gaspard Koenig offers another sort of radical individualism: the re-establishment of property as the possibility for each one of us to empower oneself.
Those are the issues that Glen WEYL, economist and researcher at Microsoft and Gaspard KOENIG, philosopher and president of GenerationLibre will discuss on Wednesday, October 24th from 8 to 10am.
Kenneth Cukier, journalist for The Economist will be the moderator.
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Le jeudi 11 octobre, suite à la publication notre dernier rapport sur la GPA (lire ICI), GenerationLibre a accueilli Daniel Borrillo qui nous a donné son avis d’expert sur les problématiques juridiques qui entourent la GPA. Quelques jours auparavant, L’Opinion a publié une chronique (lire ICI) de notre directeur général, Maxime Sabaihi, pour défendre les vertus du marché dans la conclusion de contrats de GPA.
A cette occasion, nous avons eu le plaisir de vous (re)voir, membres ou simples curieux, et de débattre avec vous.
Si vous n’avez pas pu être présent, voici le compte-rendu de la rencontre réalisé par Camille Pimont :
Les principes sur lesquels repose notre incompréhension de la GPA ne sont en rien récents, comme on aurait tendance à le croire, mais remontent à Saint Thomas, à qui l’on doit l’origine du concept d’indisponibilité du corps. C’est en effet le premier à se demander pourquoi le suicide est condamnable, alors qu’aucun tort n’est fait à autrui. En réalité, interprète-t-il, se suicider c’est porter atteinte à Dieu, le dominus ou maître de nos vies, car notre vie ne nous appartient pas, elle appartient à Dieu. Cette vision selon laquelle on ne peut disposer librement de son corps s’est perpétuée à travers les siècles. Ainsi, aujourd’hui, nombre d’interdits tels que la vente d’organe ou justement la GPA reposent sur ce principe, issu du rigorisme religieux. Ce rigorisme ne se cantonne pas seulement à la vie, mais également à la mort. Nous ne pouvons cryogéniser ou disposer librement des cendres de nos défunts, l’euthanasie active et le suicide assisté sont illégaux. Notre mort ne nous appartient pas non plus.
Il est paradoxal que la France, qui se revendique pays des libertés, s’obstine à interdire la GPA. Pour un pays qui accepte l’IVG et l’accouchement sous X, il est insensé, dans la logique du droit, d’interdire la GPA. D’autant que, depuis 2002, les embryons surnuméraires de procréation médicalement assistée peuvent être utilisés à des fins scientifiques, être brûlés, mais surtout être donnés. Ce don autorisé d’embryons étant la première étape d’une procédure GPA, il est donc étrange que la deuxième étape, qui est l’autorisation qu’une femme porte un enfant qui n’est pas le sien, soit unanimement rejetée par tous les bords politiques.
Ce consensus anti-GPA est notamment dû aux problématiques de parenté et de filiation. La GPA bouscule les schémas familiaux classiques, considérés comme « naturels ». Claude Lévi-Strauss démontre dans ses recherches que la parenté est symbolique, Maurice Godelier qu’elle est une création culturelle. Il est donc impératif de ne plus raisonner de manière binaire — ce serait de plus inexact légalement, car un enfant peut avoir entre un et quatre parents (couples biologique et d’adoption). Une femme qui a porté un enfant peut ne pas être sa mère, et une femme peut être mère sans porter son enfant. Ainsi, il y a quelques semaines, la Cour d’appel a changé les modalités d’adoption dans les situations de GPA, autorisant la mère d’intention à procéder à une adoption plénière et non plus simple (où la mention de la mère biologique était maintenue). C’est, en l’état actuel du droit, l’avancée la plus conséquente possible.
La GPA remet en question beaucoup de nos principes, moraux, politiques et sociétaux. Il est cependant important de les questionner, car finalement, autoriser la GPA revient à nous redonner la liberté de disposer de notre corps comme on le souhaite, et la liberté d’être ce que l’on veut. Comme le disait Gaspard Koenig, « quelle morale peut interdire cette liberté qui ne nuit à personne ? »
Le 4 octobre 2018, le Conseil d’Etat a entendu la plaidoirie du Rapporteur public qui a demandé le rejet de l’ensemble des recours s’opposant à la création du fichier TES, dont celui de GenerationLibre, dénonçant un excès de pouvoir du gouvernement. À la suite de cette audience, les plaignants n’ont pas eu l’opportunité de faire valoir leurs arguments. Nous attendons donc maintenant la décision du Conseil d’Etat, qui sera rendue dans quelques semaines.
Pour rappel, le 28 octobre 2016, le gouvernement avait initié par décret, sans consultation parlementaire, la constitution d’un fichier massif, centralisé et biométrique de touts les renseignements administratifs de la population française. GenerationLibre s’est opposé depuis le début à la création de ce « mégafichier », véritable atteinte au droit à la vie privée, en déposant en novembre 2016 un premier recours contre ce décret. Le 11 janvier 2018, suite aux réponses fournies par l’administration au Conseil d’Etat, GenerationLibre a ensuite déposé un nouveau Mémoire en réplique. C’est ce nouveau recours pour excès de pouvoir qui est actuellement examiné par le Conseil d’Etat.
Nos complaintes :
Premier argument : le fichage biométrique de quelque 66 millions de Français est disproportionné au regard de l’objectif annoncé de lutte contre la fraude. Pour quelques dizaines de cas potentiellement litigieux par an, on organise la surveillance de l’ensemble de la population.
Le regroupement dans un seul fichier de tout l’état civil et des données biométriques des citoyens ouvre un champ sans limite à la surveillance d’Etat. Son rôle est de protéger les libertés publiques, pas de contribuer à leur obsolescence.
Second argument : dès le 25 mai 2018, date d’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGPD), « le décret attaqué portera une violation manifeste et indiscutable du droit de l’Union européenne » détaillent les avocats de GenerationLibre, Me Nicolas GARDÈRES et Me Rubin SFADJ.
En effet, le décret organise le traitement des données biométriques sans « consentement explicite » et préalable des principaux intéressés (comme prévu à l’article 9 du RGPD). Par ailleurs, les mesures de sécurisation des données apparaissent inadaptées au regard du risque encouru en cas de piratage ou de compromission du fichier (comme évoqué à l’article 32 du RGPD).
En conséquence, GenerationLibre continue de demander au Conseil d’Etat d’annuler le décret N°2016-1460 du 28 octobre 2016 autorisant la création du fichier TES. Notre requête ayant ainsi été examinée le 4 octobre par le Conseil d’Etat, sa décision nous sera rendue dans quelques semaines.
La gestation pour autrui (GPA) sera au cœur des débats de bioéthique de la rentrée. Pour mieux peser dans le débat public, GenerationLibre associe aujourd’hui la société civile à son prochain rapport en faveur de la légalisation de la GPA. Rendez-vous ICI pour nous soutenir !
Un modèle de parentalité fondé sur l’engagement
À l’instar du philosophe Ruwen Ogien, et dans la continuité des principes de libre disposition de soi et de liberté procréative, notre think-tank défendra à la rentrée les contours d’un projet de loi en faveur de l’encadrement de la GPA en France. Le juriste Frank-Adrien Papon et le chercheur de Daniel Borrillo (CNRS) supervisent les travaux dont la publication est attendue pour la fin du mois de septembre.
Daniel Borrillo a récemment publié dans notre collection aux PUF « La famille par contrat » (à retrouver ICI) qui propose en annexe un modèle de contrat d’assistance à la gestation pour autrui.
Devenez un militant de la liberté
Parce que le travail d’un think tank n’a de poids que s’il est diffusé, GenerationLibre relance aujourd’hui sa plateforme « Combat d’Idées » (cliquer ICI).
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