Revenu universel : à quand une expérimentation sérieuse de financement ?

L’Allemagne se lance dans une nouvelle expérimentation de revenu universel après celle de 2014. Pour GenerationLibre, Inès Tajeddine en analyse les modalités à partir de notre propre proposition.

 

Après plusieurs expérimentations de revenu universel en Finlande, au Kenya ou encore aux Etats-Unis, de nouveaux modèles d’expérimentation voient le jour, dopés par la crise sanitaire. Jusqu’à présent, les expériences peinaient à parvenir à des conclusions sur l’efficacité du revenu universel, faute d’avoir trouvé une méthode d’analyse scientifique optimale, ou d’en explorer tous les paramètres. L’Allemagne s’est lancée mi-août dans une expérimentation d’un véritable revenu universel qui permettra peut-être de tirer de nouvelles conclusions.

Depuis la publication d’un premier rapport « LIBER, un revenu de liberté pour tous » en 2014, GenerationLibre bataille pour faire avancer l’idée du revenu universel dans le débat public et auprès des décideurs. Une idée qui a inspiré la proposition de création d’un « socle citoyen » dans un appel publié dans L’Obs le 4 mai 2020 à l’initiative conjointe de l’économiste Marc de Basquiat, expert du think-tank GenerationLibre et président de l’AIRE, la députée Valérie Petit et le philosophe Gaspard Koenig. Un texte soutenu par plus de 80 personnalités dont 45 parlementaires.

L’association militante « Mein Grundeinkommen » avait mené une expérience de revenu universel en 2014 qui n’avait pas de vocation scientifique, les volontaires tirés au sort n’étant pas tenus de communiquer leur retour sur expérience. L’association finance aujourd’hui une expérimentation menée par le Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung (DIW) avec l’objectif d’évaluer les effets d’un revenu universel sur la psychologie des individus et sur leurs comportements. L’échantillon sera composé de cent-vingt individus qui recevrons 1200€ par mois pendant trois ans sans contrepartie. Ils seront comparés à leurs 1380 jumeaux statistiques.

« Le projet allemand se rapproche du principe du LIBER : constituer un filet de sécurité à même d’offrir la capacité à chacun de choisir sa vie une fois assuré de subvenir à ses besoins. »

Contrairement à l’expérimentation finlandaise qui portait sur un revenu de base en étudiant un échantillon composé de deux mille chômeurs, la méthode allemande permet d’observer les effets du revenu universel sur toutes les catégories socio-économiques de la population. A noter qu’en Finlande, si les bénéficiaires n’ont pas tous retrouvé le chemin de l’emploi, des effets positifs significatifs sur leur santé et leur niveau de stress ont été observés. Le projet allemand se rapproche du principe du LIBER : constituer un filet de sécurité à même d’offrir la capacité à chacun de choisir sa vie une fois assuré de subvenir à ses besoins.

La nouvelle expérimentation allemande se donne l’objectif de pouvoir généraliser ses résultats grâce au choix d’un échantillon représentatif de la société. Les enquêtés devront répondre à un questionnaire tous les six mois (six au total) portant sur divers aspects de leur vie quotidienne : l’emploi, le temps de travail, le niveau de stress, l’alimentation, la santé, l’épargne, etc. Une grande variété d’effets possibles du revenu universel sont ainsi observés, ce qui permet également d’éviter toute imposition de problématique aux participants. L’expérimentation vise à valider ou non le postulat, partagé par la proposition du LIBER, que le revenu universel peut renforcer le pouvoir de négociation des individus qui occupent un emploi peu qualifié.

Cette nouvelle expérimentation allemande présente toutefois de nombreux biais. L’écueil le plus évident réside dans le faible nombre d’individus composant l’échantillon qui empêche de généraliser les résultats obtenus. La dispersion géographique de l’échantillon dans tout le pays rend également la tâche difficile, le postulat de l’efficacité du revenu universel reposant justement sur son caractère universel à l’échelle d’un Etat ou d’un groupe d’Etats. En utilisant la méthode du tirage au sort, les chercheurs rendent impossible tout effet d’interaction ou d’externalité.

Contrairement à l’Allemagne, le Kenya a retenu la méthode du « site de saturation » : au lieu de tirer au sort des individus bénéficiant du revenu du base, les chercheurs ont sélectionné des villages pour former des groupes testés et des groupes témoins. L’effet vertueux du revenu universel sur l’ensemble de la société, comme le prévoit le LIBER, a été observé : les individus ont investi dans l’éducation et les infrastructures. Comme nous le soulignons dans notre rapport, le faible montant du revenu universel – en-dessous du seuil de pauvreté, évite la désincitation au travail.

« Comme beaucoup d’autres, l’expérimentation allemande occulte la question de la faisabilité financière du revenu universel »

Comme beaucoup d’autres, cette expérimentation occulte la question de la faisabilité financière du revenu universel. Alors que la Finlande a expérimenté un revenu universel de 560 euros par mois, l’Allemagne fixe un montant extrêmement élevé, de 1200 euros, grâce à une opération spécifique de crowdfunding. A l’évidence, les résultats seront inexploitables pour la mise en œuvre d’une telle politique à l’échelle nationale puisque ce montant est impossible à financer de manière durable. Si l’Etat de l’Alaska a pu développer un revenu universel viable, rappelons que c’est en s’appuyant sur sa rente pétrolière.

Bien que certains éléments du revenu universel allemand se rapprochent du LIBER, la proposition de Marc de Basquiat présente la particularité de proposer un mode de financement viable. Le LIBER se conçoit comme un crédit d’impôt d’environ 500 euros, versé à tout résident français de manière inconditionnelle, et s’accompagne d’une LIBERTAXE qui remplacerait l’impôt sur le revenu : un prélèvement proportionnel de 30% environ au premier euro gagné par chacun. Le revenu universel de GenerationLibre se présente donc comme une proposition de réforme socio-fiscale aboutie. Si les expérimentations de revenu universel s’attachent à observer ses effets sur la population, trop rares sont les études sur son financement, à l’exception de quelques pays comme le Canada, l’Ecosse, ou la Slovénie.

L’expérimentation a commencé mi-août et en est à sa phase préliminaire. Les candidatures ont été ouvertes pour former l’échantillon. Les critères sont d’avoir plus de 18 ans et d’être domicilié en Allemagne. A ce jour, plus d’un million de personne ont candidaté, un chiffre élevé que les chercheurs attendaient pour novembre. Le premier versement du revenu universel aura lieu au Printemps 2021.


Pour signer notre pétition en faveur d’un socle citoyen, cliquer ICI.

Pour lire notre article « Comprendre le « socle citoyen » – Un revenu universel pour 2021 », cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « LIBER : une proposition réaliste », cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « LIBER : un revenu de liberté pour tous », cliquer ICI.

 

Publié le 25/09/2020.

[LU AILLEURS] Les libéraux en mal de récit national

Michael Steven Fish,  Neil A. Abrams et  Laila M. Aghaie, traduits par Peggy Sastre dans Slate signent une analyse originale du déclin du libéralisme dans ses propres bastions. Le discours libéral doit-il s’incarner dans un récit national pour combattre le populisme ?

 

Les trois auteurs américains se rallient au constat de la montée du démagogisme illibéral dans leur pays comme dans plusieurs démocraties du monde pourtant jugées indestructibles depuis la fin du XXème siècle. Un bouleversement politique plus difficle à comprendre qu’il n’y paraît.

« À l’aube du XXIe siècle, la démocratie libérale semblait quasi invincible. Deux décennies plus tard, les autoritaires se pavanent comme des avant-gardistes et les démocrates passent pour les gros·ses ringard·es de l’histoire. »

Moins que le climat général de crise, réel ou fantasmé, qui traverse les démocraties, c’est bien l’échec des libéraux sur le terrain rhétorique qui explique le déclin des valeurs libérales. Les illibéraux se sont attirés les faveurs des foules grâce à un discours sur le rétablissement de la grandeur nationale en dépit d’une baisse globale de l’intolérance et d’une augmentation générale du niveau de vie.

« Dans le monde entier, les libéraux ont laissé le patriotisme aux mains des autoritaires de droite, avec des conséquences désastreuses. Il est temps qu’ils se le réapproprient. »

Les auteurs s’appuient sur les travaux de Pippa Norris et Ronald Inglehart qui expliquent la montée des illibéraux par l’atteinte d’un « point de basculement » : devenues tellement hégémoniques, les idées libérales ont suscité une « réaction conservatrice contre-révolutionnaire ».

A l’instar de leurs prédecesseurs démocrates Roosevelt, Nehru ou Wasela qui parvenaient à conjuguer libéralisme et patriotisme, les libéraux d’aujourd’hui peuvent construire un récit national qui lie l’histoire à leurs politiques pour le progrès.


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Pour lire notre recueil « Europa, Dépasser le nationalisme », cliquer ICI.

 

Publié le 18/09/2020.

[LU AILLEURS] Covid-19 : la jeunesse paye la dette des boomers

Emmanuel Blézès, Yama Darriet et Charles Mazé, trois jeunes diplômés d’HEC, dénoncent le sacrifice forcé d’une génération qui devra payer pour la Covid-19.

 

« Il sera demandé aux jeunes d’aujourd’hui de rembourser demain une dette qui ne leur bénéficiera pas, qui n’est pas créatrice de valeur à venir. »

Les trois jeunes diplômés font le constat du sombre héritage imposé par l’Etat à la jeunesse au nom de la gestion de la crise sanitaire. Une « dette Covid » conjoncturelle destinée au rattrapage des pertes liées à la baisse des recettes de l’Etat et au ralentissement de l’économie. Une dette stérile tournée vers l’urgence et non vers l’avenir que la jeune génération devra pourtant rembourser.

« La « dette Covid » n’est du reste que la dernière couche de nombreuses strates d’endettement accumulées au cours de l’histoire récente. »

Les auteurs de la tribune voient la dette générée par la crise sanitaire comme une énième manifestation de la manière dont l’Etat s’endette depuis les années 1980. Selon eux, un usage abusif de l’Etat qui ne respecte pas les « deux cas précis du recours à la dette discrétionnaire » définis par la théorie économique. Le premier est le soutien de l’économie à travers le pouvoir d’achat des ménages dans un contexte de récession et le second est le financement de l’investissement.

« La surcouche de dette générée par le Covid doit nous conduire à ouvrir une réflexion sur cette injustice générationnelle. »

Les trois auteurs dénoncent l’injustice générationnelle qu’a fait naître la gestion de la dette par l’Etat. Ils rappellent l’ensemble des sacrifices que la jeunesse a concédés durant la crise sanitaire en acceptant de voir ses libertés se restreindre. Ils appellent à un rééquilibrage entre effort et responsabilités qui devrait amener « la génération née durant les « trente glorieuses » à supporter sa juste part dans la dette publique ».


Pour lire la tribune de Emmanuel Blézès, Yama Darriet et Charles Mazé, cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « Travailler demain », signé Emmanuelle Barbara, cliquer ICI.

Pour relire notre article « Retraites : baby boomers, nous ne vous pordonnerons jamais ! », cliquer ICI.

 

Publié le 11/09/2020.

Normes : et si on simplifiait ?

« Si je devais rédiger un programme politique pour la prochaine présidentielle, il tiendrait en un seul mot : simplifier » : le voyage de Gaspard Koenig sur les traces de Montaigne confirme une fois encore son désir de simplification des normes.

 

Alors qu’il vient de rejoindre les Vosges et s’apprête à poursuivre son périple à cheval en Allemagne, Gaspard fait le bilan de cette première étape française chez Frédéric Martel pour l’émission Soft Power de France Culture. De ses rencontres avec les Français de Saint-Michel-de-Montaigne à la frontière allemande, il retient un ressenti récurrent : l’agacement devant l’inflation des normes.

« Un thème est revenu, encore et encore, traversant toutes les classes et tous les métiers, obsédant comme une mouche plate sur les fesses d’un cheval, revenant dès qu’on la chasse : les normes. « 

Dans ses carnets de voyage publiés dans Le Point, Gaspard nous donne l’exemple d’un boucher rencontré à Chablis qui par faute de moyens ne peut s’offrir la mise aux normes de ses chambres froides, condition du maintien de son activité.

« La Révolution est en bonne part née de ce galimatias, générateur d’injustices pour les citoyens et de privilèges pour les initiés ».

La conclusion de Gaspard rejoint l’objectif principal du rapport de notre think-tank « Pour une révolution normative » : la simplification. Pour rendre visible et lisibile l’esprit des lois, Generationlibre propose de réduire de 90% les dispositions législatives en se focalisant sur les principes fondamentaux issus des codes.


Pour lire les carnets de voyage de Gaspard publiés dans Le Point, cliquer ICI.

Pour écouter l’intervention de Gaspard dans l’émission Soft Power de France Culture à partir de 01:23, cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « Pour une révolution normative », cliquer ICI.

 

Publié le 31/08/2020.

[LU AILLEURS] Donner une date de péremption aux institutions

« Un autre principe qui m’est cher est l’idée que les institutions devraient avoir une date d’expiration – pour les rendre antifragiles. » : Nassim Nicholas Taleb nous explique qu’un Etat doit savoir se réinventer au contact de chocs sociaux et économiques pour assurer sa pérennité. L’excès de précaution et de rigidité est le plus grand des dangers.

 

Le philosophe de « l’antifragilité » explique que la taille titanesque des institutions est la première source de leur fragilité. Elles ont pu grossir sans être inquiétées et se sont exemptées de toute tentative de remise en question. Pire, elles ne tiennent plus compte des petits chocs pour s’adapter continuellement, tout en cherchant à se prémunir de façon démesurée contre tous les chocs, au risque même de la paralysie.

« À partir d’un certain niveau, ce qui est grand devient fragile et ne tolère plus les chocs. »

Pour rendre les institutions « antifragiles » et leur permettre de recouvrer leur efficacité, Nassim Nicholas Taleb propose de les soumettre à une « date de péremption ». Comme les entreprises, elles devraient rendre des comptes à intervalle régulier.

« Le problème est que ces institutions ne « jouent pas leur peau » : elles subsistent, même quand elles font des erreurs. Un restaurant, lui, joue sa peau, car il court le risque de la faillite. »

Ce processus d’antifragilisation des institutions publiques se rapproche de l’idée de « sunset clause » défendue par GenerationLibre : les lois seraient votées avec une durée de vie limitée à l’issue de laquelle elles devraient être réétudiées. Ce principe permettrait de lutter contre l’inflation des normes et de renforcer l’efficacité législative.


Pour lire l’entretien avec Nassim Nicholas Taleb, cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « Pour une révolution normative », cliquer ICI.

Pour regarder l’explication en vidéo des sunset clauses par Gaspard Koenig, cliquer ICI.

 

Publié 28/08/2020.

[Lu-ailleurs] – La mauvaise idée d’un nouveau commissariat au Plan

Dans une tribune pour Le Figaro, Bertille Bayart loue la volonté du Gouvernement de réintroduire du temps long dans l’action publique. Mais le commissariat général au Plan lui semble superflu.

 

Au tournant des années 1960, les décideurs politiques et hauts fonctionnaires voyaient dans le téléphone un objet de luxe dont pourraient se passer les Français.

Quelques années plus tard, Bernard Esambert, ancien collaborateur de Georges Pompidou, ne pouvait que regretter ce manque d’anticipation : les foyers français raccordés au réseau étaient sept fois moins important qu’en Suède.

« Un plan quinquennal qui aurait été rédigé avec 2020 pour horizon nous aurait certainement promis la généralisation de la voiture autonome avant son électrification massive. » Bertille Bayart

Pour Bertille Bayart, la prévision est donc un art difficile. Si le quatrième plan s’était trompé sur le téléphone, il n y a pas de raison que ce nouveau plan ne fasse pas fausse route.

Si l’outil était adapté à la conjoncture de l’après-guerre et de la reconstruction, il paraît anachronique au temps de l’économie et de l’innovation. Pourtant, la volonté d’Emmanuelle Macron et de Jean Castex de réintroduire le sens du temps long dans l’action publique est bonne.

« Le retour du Plan serait donc l’instrument pour réintroduire le sens du temps long dans l’action publique. L’objectif est louable, mais l’instrument, superflu. » Bertille Bayart

Pour Bertille Bayart, l’action publique a effectivement besoin d’une stratégie. Elle cite l’exemple de la politique ferroviaire, qui a besoin de cohérence et d’arbitrages pérennes. Mais plutôt qu’un haut-commissariat au Plan, il serait plus efficace que Matignon organise mieux le travail interministériel.

Enfin, le plan avait autrefois un rôle important de concertation et d’expertise. Aujourd’hui, l’exécutif ne manque pas d’institutions auprès desquelles prendre conseil (le Conseil d’analyse économique, France Stratégies, le Conseil économique et social…).

Comme le dit Bertille Bayart, si nous avons besoin d’un haut-commissariat au Plan, « confions-lui une seule mission : planifier sur un quinquennat la réforme de l’État et envisager ainsi son autodestruction au terme de cette période ».


Pour lire la tribune de Bertille Bayart, cliquer ICI.

 

Publié le 24/07/2020.

Notre revenu universel dans Mediapart

La députée Valérie Petit et notre expert Marc de Basquiat répondent dans Mediapart à Alex Laurent, qui s’est prononcé contre notre proposition de revenu universel.

 

Alex Laurent confond deux questions différentes : d’une part, la question des minimas sociaux et du RSA, et d’autre part la question de l’extension à tous d’un minima qui serait universel.

Notre objectif à court terme est de poser les bases d’un Grand Débat citoyen autour de notre proposition de LIBER. Celle-ci est chiffrée, réaliste, et applicable, et propose la mise en place d’un crédit d’impôt individuel sous forme de revenu universel, accompagné d’un impôt sur le revenu universel.

Valérie Petit précise cependant que le groupe de travail parlementaire du Socle Citoyen n’a pas arrêté, à ce jour, la définition du montant du socle et des taux d’imposition de l’impôt sur le revenu.

Concernant les critiques à l’endroit du LIBER, nous souhaitons répondre à deux affirmations. D’abord, le Socle Citoyen ne ferait pas 10% de perdants. À la page 77 du rapport, il est bien précisé que « les aides au logement devront être enrichies d’une proposition spécifique, forfaitaire, pour les quelques 8% qui seraient privés de ce forfait logement RSA ».

« La critique de l’auteur est donc infondée : le Socle Citoyen ne crée aucun perdant parmi les allocataires du RSA. » Valérie Petit, Marc de Basquiat

Enfin, la seconde objection sur la constitutionnalité du Socle Citoyen est également erronée. La proposition fiscale du Socle Citoyen est progressive et répond de ce fait à l’exigence formulée dans l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen.

Nous invitons toutes les personnes soucieuses de connaître notre proposition en détail à lire nos deux rapports sur le sujet : Liber I & Liber II.


Pour lire notre réponse à Alex Laurent, cliquer ICI.

Pour lire l’article critique de notre revenu universel, cliquer ICI.

Pour signer la pétition en faveur du socle citoyen, cliquer ICI.

 

Publié le 24/07/2020.

Comprendre le « socle citoyen » – Un revenu universel pour 2021

La formule de « socle citoyen » a été lancée pour la première fois le 4 mai 2020 dans une tribune écrite par l’économiste Marc de Basquiat, expert du think-tank GenerationLibre et président de l’AIRE, la députée Valérie Petit et le philosophe Gaspard Koenig. Un texte soutenu par plus de 80 personnalités dont 45 parlementaires. 

Au fond, il s’agit de rendre explicite un « crédit d’impôt » individuel, forme de revenu universel, dans un impôt sur le revenu également universel. Ceci est assez facile à réaliser depuis l’instauration du « prélèvement à la source ». Explications ici avec Marc de Basquiat.

 

Comprendre le calcul de l’impôt sur le revenu

Le point de passage obligé pour qui veut comprendre comment fonctionne le socle citoyen est de visualiser l’effet redistributif de notre impôt sur le revenu. Chacun sait qu’il comporte cinq tranches, dont les taux ont été revus pour 2020 : 0%, 11%, 30%, 41% et 45%. Les deux dernières tranches ne concernent que 1,2% des contribuables, les plus riches du pays. Le socle citoyen optimise l’impôt pour 99% de la population et laisse les 1,2% traités de façon spécifique, avec un calcul annuel – nous n’y reviendrons pas.

Dans la « Brochure pratique 2020« , qui porte sur les revenus 2019, on trouve en page 329 ce tableau dans la section « calcul de l’impôt » :

 

 

 

 

 

 

Dans ce tableau, il s’agit de revenus (R) annuels, après divers retraitements. Le nombre de parts (N) est égal à 1 pour un célibataire et à 2 pour un couple (marié ou pacsé) sans enfant.

Regardons la troisième tranche, pour les foyers fiscaux dont R/N de l’année 2019 est compris entre 27.794 et 74.517 euros. L’impôt se calcule en prenant 30% du revenu puis en soustrayant 5.856 euros pour chaque part fiscale. La même logique s’applique aux autres tranches (sauf la première où l’impôt vaut zéro). On peut tracer sur un graphique la courbe représentative de l’impôt, dans le cas de personnes seules. Pour la clarté de l’explication, le graphique suivant est ramené à des valeurs mensuelles, en divisant tout par douze.

 

 

Il est intéressant de noter que la courbe en rouge, qui représente l’impôt (en négatif, vers le bas, car c’est une diminution du revenu disponible des ménages) est une ligne continue, avec des point d’inflexion. La courbe ci-dessus a été tracée avec les paramètres applicables aux revenus de l’année 2020, pour lesquels nous acquittons actuellement le « prélèvement à la source ». Évolution notable par rapport à 2019 : le taux de la deuxième tranche est passé de 14% à 11%.

 

Combiner les effets du RSA, de la Prime d’activité et de l’impôt sur le revenu

De façon peu habituelle, nous superposons au graphique précédent des surfaces colorées en vert qui montrent l’effet de deux prestations sociales complémentaires : le Revenu de solidarité active (RSA) et la Prime d’activité (PA). De façon extrêmement surprenante, l’effet de ces deux mécanismes se place dans la continuité de la ligne correspondant à la troisième tranche de l’impôt sur le revenu (suivant le pointillé rouge).

 

 

Vérifions-le dans les chiffres. Pour les revenus de l’année 2020, la troisième tranche concerne les revenus par part (R/N) compris entre 25.659 et 73.369 euros par an. L’impôt annuel se calcule en prenant toujours 30% des revenus et soustrayant 5.982,25 euros par part. Divisé par 12, ce terme fixe est exactement de 498,52 euros par mois.

De l’autre côté, pour les personnes seules sans revenu, le RSA maximal est de 564,78 euros par mois, dont sont déduits dans la grande majorité des cas un « forfait logement » de 67,77 euros. Dans plus de 90% des cas, le RSA versé à une personne seule sans aucun revenu est donc actuellement de 497,01 euros. Ce montant est quasiment identique (1,51 euros d’écart) du terme fixe correspondant à la tranche 3 d’impôt sur le revenu.

La droite pointillée du graphique précédent, tracée dans la continuité de la tranche 3 tombe quasiment sur la pointe maximale du RSA. Pour ceux qui ont des revenus modestes, aux alentours du SMIC, l’effet de la Prime d’activité est également très proche de la ligne pointillée. Alors, pourquoi ne pas simplifier tout cela ?

 

Le socle citoyen, c’est un même calcul pour tous

C’est très exactement ce que propose de faire le socle citoyen : au début de chaque mois, chaque foyer fiscal acquitte 30% de ses revenus du mois qui vient de s’écouler, et reçoit 500 euros (le double pour un couple). C’est très exactement ce que fait le calcul de la tranche 3 de l’impôt sur le revenu, même si on s’en rend pas vraiment compte.

Prenons un exemple. Un célibataire perçoit un revenu (RFR) de 60.000 euros par an. Dans la tranche 3, il paiera en 2020 : 30% de 60.000 moins 5.982,25, soit à peine plus de 12.000 euros. On peut le calculer directement sur base mensuelle : 30% de 5.000 euros par mois, auxquels on soustrait 498,52 euros. Le résultat est le même : 1.001,48 euros par mois.

C’est très exactement ce que propose de faire le socle citoyen : au début de chaque mois, chaque foyer fiscal acquitte 30% de ses revenus du mois qui vient de s’écouler, et reçoit 500 euros.

S’il s’agit d’un couple, dont les revenus (RFR) s’élèvent également à 60.000 euros, la division par le nombre de parts (2) est de 30.000, qui correspond toujours à la troisième tranche. Le calcul annuel est alors de 30% de 60.000 moins deux fois 5.982,25, soit un impôt un peu supérieur à 6.000 euros par an. Sur base mensuelle : 30% de 5.000 euros moins deux fois 498,52 euros. L’impôt mensuel est de 502,96 euros par mois.

Dernier exemple, un célibataire sans revenu reçoit actuellement un RSA de 497,01 euros. Et si on lui appliquait le calcul de la tranche 3 ? Cela donnerait 30% de zéro revenu, soit zéro, moins 498,52 euros. Le fisc lui verserait donc 498,52 euros chaque mois, ce qui ne changerait pas grand chose sachant qu’il continuerait à percevoir ses aides au logement de la CAF ou de la MSA par ailleurs.

 

Pourquoi le prélèvement à la source rend possible l’instauration du socle citoyen

Depuis janvier 2019, l’administration fiscale a instauré des échanges d’information mensuels avec les organisations qui versent des revenus réguliers aux citoyens : les entreprises, administrations et associations qui paient des salariés, les caisses de retraite et Pôle emploi qui versent des pensions. Des revenus moins réguliers sont également pistés auprès des payeurs : banques, assurances, etc.

Le dispositif moderne et efficace du prélèvement à la source permet donc au fisc – moyennant quelques adaptations du processus – de connaître chaque mois la plupart des revenus des contribuables. Il lui est donc très facile d’en calculer 30%, d’en soustraire 500 euros et de verser ou prélever la différence directement sur le compte bancaire des contribuables.

 

Combien coûterait le socle citoyen ?

Pour les célibataires, le graphique précédent montre deux légers écarts entre la surface verte de la prime d’activité et le pointillé rouge qui figure le socle citoyen : aux environs de 500 et de 1.500 euros de salaire mensuel. Ceux-ci seront donc légèrement gagnants à la mise en œuvre du socle citoyen.

Mais en réalité, les principaux gagnants sont les couples pauvres et modestes. Dans l’exemple présenté juste au-dessus, le couple avec un revenu de 5.000 euros par mois paie moins d’impôt (498,52 euros moins) qu’un célibataire ayant le même revenu. Ce n’est pas du tout le cas avec le RSA et la Prime d’activité : les couples pauvres reçoivent seulement quelques 200 euros de plus – parfois moins – que s’ils étaient seuls. Cette injustice à l’égard des couples pauvres et modestes est dénoncée depuis longtemps par des organisations telles que ATD Quart Monde ou le Secours Catholique, sans succès jusqu’ici.

Visualisons sur un graphique l’écart entre célibataires et couples pour un même niveau de revenu. Sur la droite du graphique (les couples aisés), la ligne bleue des couples est distante de 500 euros de la ligne rouge (célibataires). Mais pour les revenus inférieurs à 4.000 euros, la ligne bleue s’affaisse notablement, l’écart avec un célibataire passant même par un point bas de 130 euros par mois (4,40 euros par jour) aux alentours de 1,8 SMIC.

 

 

Ce traitement particulièrement injuste des couples pauvres et modestes s’explique par une théorie utilisée sans discernement dans la conception des politiques publiques : les échelles d’équivalence. Le socle citoyen s’y oppose frontalement en refusant de faire des différence entre les personnes riches ou pauvres, selon qu’elles sont seules ou en couples. Cette intrusion dans la vie privée n’a aucune raison d’être autre que celle de faire des économies budgétaires sur le dos des couples pauvres. C’est inique.

Le socle citoyen coûte de l’ordre de 25 milliards d’euros, essentiellement du fait qu’il comble l’écart de traitement qui pénalise actuellement les couples pauvres et modestes. C’est très exactement cet écart qu’on observe sur le graphique précédent, entre la ligne bleue pointillée (le socle citoyen des couples) et la ligne bleue pleine, qui divague sans logique.

 

Comment financer 25 milliards d’euros

La solution la plus simple et efficace consiste à augmenter légèrement le taux marginal de prélèvement de 30% à 32%. Appliqué à 1.500 milliards d’euros de revenu des personnes physiques en France (avant la crise du covid-19), ceci comble largement le besoin de financement.

Bien entendu, cette question est éminemment politique et ne peut être tranchés sur la base d’un étude technique, dont l’intérêt n’est que de mettre en évidence les incohérences actuelles, montrer une voie rationnelle envisageable et donner les ordres de grandeur des paramètres à ajuster via la délibération démocratique nationale.

Cette proposition a été étudiée depuis trois ans par l’Assemblée de Corse qui a voté à l’unanimité une résolution proposant qu’elle soit expérimentée au plus tôt sur son territoire. Il s’agit maintenant d’étudier cela au niveau des services centraux de l’État, en particulier au ministère des Finances.


Pour signer la pétition en faveur du socle citoyen, cliquer ICI.

Pour lire notre article « Pas de vacances pour le revenu universel », cliquer ICI.

 

Publié le 22/07/2020.

[Lu-ailleurs] – À la redécouverte de John Rawls

Dans sa série « Avoir raison avec » sur France Culture,  le journaliste Brice Couturier revient avec ses invités sur l’œuvre du philosophe Américain John Rawls.

 

En France, il aura fallu attendre 16 ans pour que son ouvrage majeur, Théorie de la justice, dispose enfin d’une traduction. Étiqueté de « social-démocrate », John Rawls ne s’inscrivait pas dans la logique de la lutte des classes marxiste.

« Il prétendait conjuguer, dans un système cohérent, les vertus du libéralisme politique et un audacieux objectif d’égalité sociale, à travers une reformulation de la justice distributive. » Brice Couturier

Épisode 1 : John Rawls dans son contexte

Épisode 2 : La théorie de la justice et ses révisions.

Épisode 3 : De quel « libéralisme » s’agit-il ?

Épisode 4 : Rawls face à ses critiques : libertariens et communautariens

Épisode 5 : La pensée de John Rawls est-elle dépassée ?

Pour écouter les podcasts, cliquer ICI.

 

Publié le 17/07/2020.

[Lu-ailleurs] – La Convention citoyenne pour le climat manque d’audace !

Dans L’Express, l’économiste Éric Chaney regrette que la Convention citoyenne pour le climat ait exclu la question du prix du carbone de ses travaux. 

 

Pour Éric Chaney, si l’on peut trouver quelques idées excellentes, la majorité des propositions rendues par la Convention sont décevantes et risquent de faire plus de mal à l’économie que de bien à l’environnement. La faute à l’absence de trois dimensions clés : la géographie, le concept d’externalité, et le signal prix.

Pour la première, l’économiste insiste sur le fait que la géographie naturelle à laquelle une politique climat devrait se référer est l’Union européenne, rappelant que la France est responsable de seulement 1,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES).

Les 150 citoyens tirés au sort ont négligé les concepts d’externalité et de coût d’opportunité. Il est pourtant primordial de chiffrer le coût social du carbone pour juger de la pertinence d’une proposition.

Les travaux de la Convention évacuent complètement l’idée selon laquelle un signal prix proportionnel au contenu de GES des biens et services consommés puisse influer sur les comportements des producteurs et des consommateurs.

« En excluant les incitations économiques, la Convention n’a eu d’autre choix que de se tourner vers les bonnes intentions et la contrainte. » Éric Chaney

Éric Chaney décortique les propositions de la Convention sur les différents thèmes : transport, consommation, production, nourriture… Il montre que l’absence de tout calcul économique a poussé la Convention à formuler des propositions qui, sous l’apparence du bon sens, cachent en réalité des impacts sociaux considérables.

Par exemple, la proposition d’augmenter le forfait « mobilité durable » (faire payer par l’employeur les frais de transport plus écologiques) aurait pour conséquence d’augmenter le coût du travail. Cette augmentation conduirait à une hausse du chômage ou à une réduction de la rémunération des employés.

« L’objectif de 50% d’exploitations en agroécologie d’ici à 2040 pourrait même augmenter les émissions nettes.  La baisse du rendement agricole obligerait à une augmentation des surfaces cultivées, au détriment des puits de carbone que sont les forêts et les friches. » Éric Chaney

Il regrette également que certaines propositions soient trop timides. Si l’idée d’une taxe sur les produits importés selon leur empreinte carbone va dans le bon sens, il faut avoir le courage de l’élargir à tous les biens produits au sein-même de l’Europe.

Pour Éric Chaney donc, la solution la plus efficace a été complètement oubliée : instaurer un prix carbone en Europe et un mécanisme d’ajustement à ses frontières.


Pour lire l’article de Éric Chaney dans l’Express, cliquer ICI.

Pour lire la tribune de Maxime Sbaihi et de Éric Chaney sur le prix carbone, cliquer ICI.

 

Publié le 10/07/2020.

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