La Finlande n’a pas expérimenté le revenu universel

Le revenu universel n’a pas été expérimenté en Finlande. C’est ce qu’explique notre expert Marc de Basquiat dans un dossier pour Le Monde (lire ICI). Pour être mis en place en France, il nécessiterait une réforme socio-fiscale d’ampleur, comme modélisée dans nos deux rapports.

 

En fait, il conviendrait de conduire une réforme fiscale et sociale afin d’adapter mensuellement et de manière automatique les prélèvements, d’une part, ainsi que les transferts monétaires, d’autre part, à la situation de chaque personne.

Pour ce faire, Marc de Basquiat propose la mise en place d’un impôt automatique sur tous les revenus, dès le premier euro, et simultanément, la simplification du calcul d’un certain nombre d’aides (RSA, diverses primes d’activité ; hors logement et handicap) pour l’allocation systématique et inconditionnelle d’un revenu universel versé chaque mois à tous. Ce revenu universel vise à éradiquer la grande pauvreté.

« Pour les personnes seules au RSA, le mécanisme fiscal est monétairement équivalent mais infiniment plus simple. Pour les contribuables des classes moyennes supérieures, cela ne change rien non plus. En revanche, pour les actifs aux revenus modestes, qui forment l’essentiel des cortèges de « gilets jaunes », la réforme fiscale permet un gain monétaire significatif. » Marc de Basquiat

La récente mise en place du prélèvement à la source, et les réflexions du Gouvernement pour simplifier les aides sociales, constituent un moment d’exception pour explorer notre proposition.


Pour lire la tribune de notre expert Marc de Basquiat dans Le Monde : « Revenu universel : en France, il s’agit avant tout d’une nécessaire réforme de l’impôt sur le revenu », cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « Liber, un revenu de liberté pour tous« , cliquer ICI.

Emmanuel Macron glisse vers un despotisme démocratique

En essayant de définir ce qui peut être écrit, dit, tweeté ou manifesté, Emmanuel Macron ne répond pas à la définition d’une “société ouverte”, explique Gaspard Koenig dans sa tribune pour le Financial Times (lire ICI). En effet, l’Etat de droit n’est pas censé condamner les attitudes déviantes, irritantes ou excentriques qui ne nuisent pas directement à autrui.

 

Loi anti fake news, loi anti casseurs, fichier TES et bientôt loi sur le cyber harcèlement : répondre à chaque trouble social par une loi, afin d’apaiser l’opinion publique, finit par exacerber les tensions.  Cette pratique du pouvoir risque d’entraîner des abus bien plus graves. Si ce n’est pas par ce gouvernement, ce sera par un autre, à venir.

Pour Gaspard Koenig, Emmanuel Macron est sur la pente glissante du “despotisme démocratique” bien connu des lecteurs de Tocqueville, et qui place indûment le bien-être général et la sécurité publique au-dessus des droits individuels. Une tendance aujourd’hui inquiétante dans le monde parmi les démocraties libérales. Ces dernières empruntent le mode opératoires des régimes autoritaires, bien que démocratiques.


Pour lire la tribune de Gaspard Koenig dans le Financial Times « Emmanuel Macron is on a slippery slope towards ‘democratic despotism’ » , cliquer ICI.

Europe : la lettre de Macron décryptée par GL

Dans son interview pour Atlantico, Maxime Sbaihi revient sur la tribune qu’Emmanuel Macron a adressé aux citoyens européens le 5 mars. Régulation d’Internet, politique d’immigration commune, salaire minimum européen, DARPA européen, taxation des GAFAs… tout est décrypté par notre directeur.

 

Atlantico : Dans quelle mesure les propositions formulées par le chef de l’Etat pourraient-elles être perçues comme « typiquement françaises » ? En quoi cette approche diffère-t-elle de ce qu’est la réalité européenne actuelle ?

Maxime Sbaihi : Tout d’abord, il faut saluer cette tribune pour sa forme. On peut être en désaccord avec son contenu mais force est de constater qu’Emmanuel Macron est un des seuls en Europe à essayer de faire avancer le débat avec ce genre d’initiative. La France est redevenue une force de proposition. Cette tribune vise juste en voulant européaniser un scrutin européen qui a trop souvent été nationalisé par des politiciens pour qui l’Europe est un moyen plutôt qu’une fin.

On peut être en désaccord avec son contenu mais force est de constater qu’Emmanuel Macron est un des seuls en Europe à essayer de faire avancer le débat avec ce genre d’initiative.

Sur le fond, ses propositions peuvent être effectivement perçues comme typiquement françaises dans la mesure où on retrouve partout la patte de l’interventionnisme étatique. Si j’extraie les idées concrètes de la tribune, est proposée la création d’une agence européenne de protection des démocraties, d’un office européen de l’asile, d’un conseil européen de sécurité intérieure, d’une force sanitaire européenne, d’un salaire minimum européen, d’une banque européenne du climat et d’une Conférence pour l’Europe. Avec autant de nouvelles initiatives publiques, j’entends les dents grincer dans les chancelleries voisines.

Dans sa tribune, la liberté est immédiatement évoquée mais aussi rapidement évacuée au bout d’un paragraphe, qui finit d’ailleurs par demander des règles européennes pour « bannir d’Internet tous les discours de haine et de violence ». J’ai bien peur que ce genre d’ambition accouche de mesures liberticides. Les premiers effets de la loi Netzwerkdurchsetzungsgesetz sur la régulation du web en Allemagne, que la France cherche à copier, fait craindre le pire pour la liberté d’expression.

Les premiers effets de la loi Netzwerkdurchsetzungsgesetz sur la régulation du web en Allemagne, que la France cherche à copier, fait craindre le pire pour la liberté d’expression.

La politique d’immigration commune, que Macron appelle de ses vœux, est d’une nécessité absolue pour enfin harmoniser les règles et procédures d’accueil. En revanche, je ne suis pas sûr qu’on combatte efficacement les nationalistes en empruntant, comme il le fait, leur obsession pour la frontière et la protection. Sur la défense commune, les ambitions sont bonnes mais les modalités manquent. On retrouve en filigrane de cette tribune l’idée, juste, qu’aucun pays ne peut surmonter ces défis seul. Sur l’immigration, la défense, le climat, le numérique ou l’énergie, l’action purement nationale est inefficace. Autrement dit, la réelle souveraineté sur ces sujets n’est plus nationale mais supranationale. L’Europe est donc le cadre optimal pour les traiter. Macron avait déjà développé cette idée intéressante de souveraineté européenne lors de son discours d’Athènes en 2017.

Je ne suis pas sûr qu’on combatte efficacement les nationalistes en empruntant, comme Emmanuel Macron le fait, leur obsession pour la frontière et la protection.

L’idée d’un « salaire minimum européen, adapté à chaque pays et discuté chaque année collectivement » est mauvaise. Elle pourrait nuire gravement à la convergence économique entre les membres. Quelle ironie de voir la France, pays qui a le salaire minimum le plus élevé d’Europe mais aussi un des plus hauts taux de chômage, vouloir l’imposer aux autres. De manière générale je pense que c’est précisément cette volonté d’exporter nos échecs, nos impôts et notre chômage, qui agace nos voisins. Nos Gilets Jaunes et nos performances économiques ne les font pas rêver.

L’idée d’un « salaire minimum européen, adapté à chaque pays et discuté chaque année collectivement » est mauvaise.

Atlantico : Quelle serait la part « d’esprit français » qui pourrait être perçue positivement par les européens ?

Maxime Sbaihi : Je pense que les politiques français doivent cesser de voir l’Europe comme une grande France sur laquelle il suffirait de plaquer nos réflexes nationaux pour la faire marcher. C’est contre cet esprit-là qu’il faut d’abord se battre chez nous. Il dessert l’autre « esprit français », celui qui est salué mondialement et qui reconnait notre excellence mathématique, nos réseaux diplomatiques, nos bibliothèques, notre panache, notre art de vivre, nos traditions et la fierté de notre patrimoine.

Quand Emmanuel Macron écrit que « l’Europe n’est pas qu’un marché, elle est un projet », il a raison. L’Europe est avant tout un projet de liberté, bâti autour de la garantie des libertés individuelles et économiques. La réalisation des quatre libertés fondamentales que sont la libre circulation des personnes, marchandises, services et capitaux a permis une période inédite de prospérité et paix. L’esprit français, pour reprendre vos mots, devrait davantage s’employer à le rappeler et le défendre.

Je pense que les politiques français doivent cesser de voir l’Europe comme une grande France sur laquelle il suffirait de plaquer nos réflexes nationaux pour la faire marcher.

Dénoncer les mensonges et les impasses du Brexit ça fait du bien mais il faut aller plus loin et en profiter pour rappeler les bénéfices de l’Europe que nous avons oubliés parce qu’ils sont devenus des habitudes. Les 100 000 entreprises exportatrices britanniques qui se demandent si elles pourront encore commercer avec l’UE réalisent soudainement tout ce que l’Europe permet. Travail saisonnier, vols internationaux, examens sanitaires, traités de libre-échange : tous ces obstacles qui réapparaissent au Royaume-Uni à l’heure de quitter l’UE devraient être rappelés partout ailleurs. On reconnait le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va, disait Prévert. C’est pareil pour l’UE : on reconnait ses bienfaits au chaos qui advient quand on la quitte. La France ferait bien d’en tirer des leçons plutôt que se moquer des britanniques.

L’Europe est avant tout un projet de liberté, bâti autour de la garantie des libertés individuelles et économiques. La réalisation des quatre libertés fondamentales que sont la libre circulation des personnes, marchandises, services et capitaux a permis une période inédite de prospérité et paix.

La France devrait surtout remettre l’Europe sur le chemin de la liberté et lui redonner le goût de l’innovation. Pourquoi pas créer un DARPA européen, mais le meilleur moyen de promouvoir l’innovation c’est surtout de terminer le marché unique. Il doit encore être approfondi et décloisonné pour faciliter la circulation des capitaux et donc le financement de l’économie de demain.

Je pense que la France devrait aussi pousser dans la voix de la démocratisation de l’Europe. La proposition de Conférence pour l’Europe ressemble trop aux conventions que Macron avait annoncées en 2017, avec le résultat que l’on sait. Ce n’est pas à la hauteur des enjeux. Je suis déçu de constater que Macron semble avoir abandonné son idée de parlement de la zone euro. En tout cas, elle ne figure pas dans sa tribune. Doter la zone euro d’un véritable parlement dédié, pour faire contrepoids à l’Eurogroupe, est une idée à pousser. La France a créé l’union monétaire, elle doit œuvrer à sa finition.

Le meilleur moyen de promouvoir l’innovation c’est surtout de terminer le marché unique.

Atlantico : A l’inverse, à quelle part de cet « esprit français » devrions-nous renoncer pour permettre une réelle avancée européenne ?

Maxime Sbaihi : Il faut résister à notre obsession de vouloir mettre de l’Etat et des impôts partout. Cessons de croire que ce qui ne marche pas chez nous marchera en Europe. J’ai constaté, avec un certain soulagement je dois l’avouer, que Macron n’a pas proposé de nouvelle taxe dans sa tribune. Néanmoins, il suffit d’écouter deux minutes son ministre de l’économie pour qu’il fasse rimer Europe avec harmonisation fiscale et taxe GAFA.

Prenons justement l’exemple de la taxe GAFA : c’est une énorme occasion manquée pour la France. Elle a fait du forcing pour l’imposer au niveau européen mais, face aux réticences légitimes de nos voisins, a dû battre en retraite. On s’inflige une idée dont presque personne ne veut. Comment reprocher à nos voisins européens d’accueillir avec suspicion une nouvelle taxe de la part du champion européen de la pression fiscale ?

Il faut résister à notre obsession de vouloir mettre de l’Etat et des impôts partout. Cessons de croire que ce qui ne marche pas chez nous marchera en Europe.

Mais surtout, quel manque d’ambition et d’imagination ! Plutôt que taxer ces nouveaux champions, l’UE devrait premièrement se demander pourquoi ils ne sont pas européens, pourquoi son économie ne permet pas l’émergence de tels champions. La deuxième question à se poser est celle du cadre de régulation adéquat face à une nouvelle économie. L’UE a déjà innové l’année dernière avec le RGPD qui inspire désormais d’autres pays. Il faut aller plus loin. Ces plateformes font leur beurre avec nos données personnelles. Entre l’autoritarisme numérique chinois et la surveillance privée de la Silicon Valley, l’Europe peut inventer un nouveau modèle. Comment ? Par exemple avec un tout nouveau cadre juridique autour de la propriété privée des données personnelles, défendue par GenerationLibre. Voilà un beau projet que la France devrait porter au niveau européen plutôt que déballer, puis remballer, une nouvelle taxe inefficace et naïve. L’Europe ne manque pas d’idées, ce sont ses décideurs qui manquent d’imagination. Le fameux esprit français a ici un joli coup à jouer.

Entre l’autoritarisme numérique chinois et la surveillance privée de la Silicon Valley, l’Europe peut inventer un nouveau modèle. Comment ? Par exemple avec un tout nouveau cadre juridique autour de la propriété privée des données personnelles, défendue par GenerationLibre.


Pour lire notre rapport en faveur de la patrimonialité des données numériques, cliquer ICI.

Pour relire nos travaux sur les travailleurs détachés, cliquer ICI.

Pour lire notre note : « Vers l’auto-entrepreneur européen ? », cliquer ICI.

Hidjab, porte-jarretelles : liberté ou soumission ?

L’affaire du hidjab de course de Decathlon symptomatise une laïcité mal comprise en France. La loi de 1905 est en effet bien plus libérale que son interprétation courante, comme l’explique Gaspard Koenig dans sa chronique (lire ICI). Kim Bloch-Lazare vous résume le propos.

 

La semaine dernière, un scandale politico-médiatique, autour du hidjab de sport de Decathlon, a remis en cause le droit de courir des femmes voilées, constate Gaspard Koenig. Mais depuis quand la laïcité est-elle devenue synonyme d’interdits ? Elle n’est pas censée promouvoir un athéisme d’Etat mais permettre la coexistence pluraliste des religions.

Dans cette polémique sur le hidjab de course, on retrouve le vieux réflexe rousseauiste de forcer les hommes et les femmes à être libres. Or la laïcité a été conçue pour permettre aux citoyens de vivre leur foi de manière autonome. En outre, l’argument du porte-jarretelles comme reflet de la domination masculine la plus crue permet à Gaspard Koenig de poser la question suivante : en quoi le porte-jarretelles serait-il moins un symbole de soumission que le hidjab de sport ?


Pour lire la chronique de Gaspard Koenig dans Les Echos « Les femme voilées ont le droit de courir » , cliquer ICI.

France-Venezuela : La nouvelle faillite des intellectuels

L’intellectuel est faillible. Alors que la crise au Venezuela s’aggrave de jour en jour, des soutiens, venus de toute part, fusent … en faveur du dictateur Nicolas Maduro. Situation pourtant loin d’être inédite, comme l’explique Gaspard Koenig dans sa chronique (lire ICI). Camille Pimont vous résume le propos.

 

Gaspard Koenig l’admet : il n’est jamais allé au Venezuela, et ne sait donc, de la crise actuelle, que ce que les médias rapportent. Cependant, les documentations dans le New York Times, Le Monde ou Human Rights Watch, dessinent un angle de lecture : le Venezuela est une dictature qui a épuisé les ressources naturelles d’un pays qui en était pourtant riche.

Jean-Paul Sartre défendait avec ardeur Mao, Michel Foucault chantait les louanges de l’ayatollah Khomeyni. Aujourd’hui, le régime autoritaire de Maduro ne manque pas de soutien dans les sphères intellectuelles. On appelle à la prochaine phase de la révolution bolivarienne. Paradoxe, comme le relève Gaspard Koenig, qui montre bien que l’intellectuel, tout être humain qu’il est, n’est pas à l’abri des passions et des idéologies.


Pour lire la chronique de Gaspard Koenig dans Les Echos « Le Venezuela et la faillite des intellectuels » , cliquer ICI.

Macron, un libéral devenu liberticide ?

Bientôt deux ans qu’Emmanuel Macron est à la tête de l’Etat, et Maxime Sbaihi dresse un constat très simple (lire ICI) : la politique qu’il mène est aux antipodes du libéralisme qu’il prônait lorsqu’il était ministre de l’économie.

 

Toutes nos libertés sont peu à peu malmenées. D’un point de vue économique, les deux priorités du gouvernement sont finalement, et quoi qu’il en dit, la pression fiscale et la hausse de la dépense publique. De quoi étouffer le libéralisme. D’un point de vue sociétal, aucune avancée n’a été faite en faveur des libertés : des sujets pressants comme la légalisation du cannabis ne sont pas pris au sérieux dans notre pays. La liberté de manifester et la liberté de la presse sont elles aussi mises à mal avec des projets de loi en cours d’examen ou à venir.

Sans s’alarmer, il s’agit de rester très vigilants quant à notre liberté et à nos droits. A mi- quinquennat, Emmanuel Macron a planté un décor liberticide, qui pourrait un jour être utilisé à des fins autoritaires.


Pour lire la chronique de Maxime Sbaihi dans L’Opinion « Le Venezuela et la faillite des intellectuels » , cliquer ICI.

A trop réguler internet, on risque de le tuer !

Dans le Figaro Vox, notre expert Milan Stankovic, informaticien, analyse le projet de loi contre la diffusion des propos haineux sur internet annoncé par Emmanuel Macron. Sans préjuger des bonnes intentions de cette annonce, Milan dénonce fermement cette idée dangereuse et contreproductive, aux antipodes de l’esprit d’internet et de ses propres règles (lire ICI).

L’Internet ne garantit pas la véracité des informations qui y sont diffusées, c’est à vous de les publier, et à vous d’y croire ou pas, de les prendre au sérieux ou pas.


Pour lire la tribune de Milan Stankovic « Un internet aux contenus régulés serait une idée faussement courageuse« , cliquer ICI.

 

 

Data : dépasser le capitalisme de surveillance

Combien coûtent nos données personnelles ? Des centimes, des centaines d’euros ? Pour Gaspard Koenig, le véritable coût est celui de notre vie privée. Notre think-tank défend une proposition de politique publique audacieuse : la patrimonialité des données personnelles (lire ICI).

 

Le gouverneur de Californie Gavin Newsom a bien relevé le problème central de l’ère digitale, lorsqu’il a annoncé que les consommateurs californiens devraient toucher une part de la richesse générée par leurs données. Nous sommes dépossédés de la valeur de nos productions par les plates-formes. Une question à laquelle GenerationLibre essaie de répondre en défendant un droit de propriété des données personnelles.

Je reviendrai peut-être sur Facebook le jour où je ne serai plus un produit, mais un client !

Gaspard Koenig relève cependant qu’il y a aussi une tout autre dimension au problème. Nous payons de nos vies privées les objets connectés et autres IA qui s’imprègnent de nos habitudes verbales, alimentaires et sexuelles. Au-delà d’être rémunéré pour le partage de nos données, il s’agirait surtout d’avoir le choix réel de ce partage. L’émancipation viendra le jour où nous ne serons pas un produit, mais un client.


Pour lire la chronique de Gaspard Koenig « Quel prix pour notre vie privée ? » , cliquer ICI.

Pour lire notre rapport « Mes data sont à moi », cliquer ICI. 

La révolte des ronds-points contre l’Etat central

Pour le Neu Zürcher Zeitung, en allemand dans le texte (accessible ICI), notre président Gaspard Koenig analyse le mouvement des Gilets Jaunes comme une révolte des ronds-points contre le centralisme. Voici la traduction intégrale de cette publication :

 

Pour débattre, les Suisses se rendent sur la place du village. C’est du moins ce que j’ai pu voir dans le canton de Glaris, en assistant il y a quelques années à une Landsgemeinde qui m’a durablement impressionné, et convaincu des vertus de la démocratie directe locale.

Les Français, eux, se réunissent désormais sur des ronds-points en enfilant des vestes fluorescentes. Partout en France, durant des mois, des dizaines de milliers de « gilets jaunes », salariés, retraités, travailleurs indépendants, se sont spontanément retrouvés aux sorties des agglomérations, apostrophant les automobilistes dans une atmosphère globalement bon enfant. Ils ont construit des cahutes et renoué avec une forme de socialité villageoise, partageant victuailles et doléances.

La place du village suisse est le lieu où depuis des siècles les conflits se dénouent. Le rond-point français est devenu le lieu même du conflit contre l’Etat central. 

Les débordements du week-end, pour spectaculaires qu’ils soient, ne reflètent pas la réalité de ce mouvement profond, divers, venu des entrailles du pays, et toujours soutenu par une majorité de la population. Ce n’est pas une résistance aux réformes : c’est un embryon de révolution qui a d’ores et déjà généré ses symboles et ses martyrs, et qui fait désormais partie de notre histoire au même titre que les journées de 1789, 1830, 1848, 1871 ou 1968.

La place du village suisse est le lieu où depuis des siècles les conflits se dénouent. Le rond-point français est devenu le lieu même du conflit contre l’Etat central. Les gilets jaunes marquent à mon sens le début de la fin du jacobinisme.

Chaque municipalité veut le sien. Le rond-point signale à l’automobiliste l’entrée dans un autre monde, avec ses propres coutumes et règles.

Rappelons tout d’abord que la France détient l’étrange record du monde du nombre de ronds-points par habitant. Environ 50 000 d’entre eux parsèment notre territoire. Ils sont généralement ornés de sculptures discutables d’un point de vue esthétique mais ancrées dans l’histoire locale, célébrant un héros, un paysage ou un produit artisanal. Chaque municipalité veut le sien. Le rond-point signale à l’automobiliste l’entrée dans un autre monde, avec ses propres coutumes et règles. C’est à la fois ce qui rattache et ce qui sépare, ce qui permet la circulation et ce qui délimite l’espace.

L’historien Eugen Weber avait montré à quel point la France était restée en dépit du code civil un pays divers où coexistaient de multiples cultures. Il n’est d’ailleurs pas étonnant de voir fleurir, dans les cortèges des manifestants, les drapeaux régionaux. Il n’est pas non plus étonnant que les protestataires les plus radicaux aient brûlé les préfectures, symboles du pouvoir central, et non les mairies, aujourd’hui à l’avant-garde du « grand débat national ». Contre le mythe d’une centralisation éternelle, la France des ronds-points prépare la revanche des Girondins.

Contre le mythe d’une centralisation éternelle, la France des ronds-points prépare la revanche des Girondins.

Les discussions sur les ronds-points tournent essentiellement autour de la personne du Président de la République. On l’interpelle, on le raille, on exige sa démission. Ses effigies sont conspuées voire, dans une mise en scène macabre, décapitées. On commente la moindre de ses phrases, on fait courir sur son entourage les rumeurs les plus folles, on rêve de prendre l’Elysée. Les réseaux sociaux n’ont rien inventé : le Père Duchesne, journal ordurier fondé pendant la Révolution, répandait déjà les plus ignobles ragots sur les puissants du jour. Si les salaires n’augmentent pas, si les hôpitaux ferment, si le prix du pétrole augmente, si les vaches sont malades ou que les enfants ont des mauvaises notes, c’est la faute à Macron. Le débat public français est malade de cette obsession présidentielle, qui empêche de traiter les questions de fond.

Les institutions de la Ve République ont transformé les citoyens français en sujets, plébiscitant tous les cinq ans leur souverain, et rêvant le reste du temps de le renverser.

Les institutions de la Ve République ont transformé les citoyens français en sujets, plébiscitant tous les cinq ans leur souverain, et rêvant le reste du temps de le renverser. Cette « rencontre d’un homme avec un peuple », selon la mythologie gaulliste, est une rencontre toujours ratée qui constitue le stade le plus infantile de la démocratie. Là encore, il n’en a pas été toujours ainsi. De 1870 à 1962, date où le général de Gaulle a introduit l’élection présidentielle au suffrage universel, la République s’était installée dans un régime parlementaire où les idées comptaient plus que les hommes.

En réclamant l’instauration d’un Référendum d’Initiative Populaire, les gilets jaunes expriment de la manière maladroite (et, à mes yeux, erronée) un besoin réel : celui de retrouver une forme d’exercice du pouvoir plus représentatif. Ce n’est pas le Président qu’il faut guillotiner, mais la Présidence qu’il faut abolir. Quant au référendum, il devra d’abord faire ses preuves au niveau local, comme ce fut le cas pendant des siècles en Suisse avant de passer aux votations nationales. Ainsi que l’avait compris Tocqueville, la pratique démocratique commence en bas de chez soi.

Ce n’est pas le Président qu’il faut guillotiner, mais la Présidence qu’il faut abolir.

Enfin, le rond-point se trouve au cœur d’une jacquerie fiscale : les gilets jaunes sont à l’origine des automobilistes en colère contre une surtaxe sur le diesel, investissant logiquement les carrefours pour ralentir le trafic routier. Chacun sait que la fiscalité française est la plus lourde d’Europe. Est-elle injuste ? Pas vraiment, quand l’on sait que 10% des ménages les plus aisés payent 70% de l’impôt sur le revenu. Mais elle est le symbole le plus criant de la centralisation administrative. L’impôt est décidé à Paris par des technocrates. Leurs raisons sont toujours excellentes ; hélas, personne ne les comprend, à commencer par le citoyen censé donner son consentement. Même les impôts dits « locaux » voient leurs taux largement fixés par le ministère des finances.

Les gilets jaunes sont à l’origine des automobilistes en colère contre une surtaxe sur le diesel, investissant logiquement les carrefours pour ralentir le trafic routier.

Le mythe de « l’égalité devant l’impôt » génère les pires inégalités en empêchant les collectivités de choisir leur propre modèle et d’en assumer les conséquences. Aujourd’hui, les budgets municipaux sont abondés par de mystérieux mécanismes de péréquation et de dotation ; en cas de mauvaise gestion, le préfet vient automatiquement exercer la tutelle d’Etat, en bon père de famille. Comment espérer une véritable démocratie locale dans ces conditions ? La responsabilité politique exige une autonomie fiscale. Les Français ne veulent pas moins d’impôt : ils veulent pouvoir en décider eux-mêmes.

La responsabilité politique exige une autonomie fiscale. Les Français ne veulent pas moins d’impôt : ils veulent pouvoir en décider eux-mêmes.

On parle souvent d’une révolte de territoires délaissés. Rien n’est moins vrai. Ces territoires ne sont pas délaissés, ils sont suradministrés : l’écrivain Sylvain Tesson, dans sa longue traversée de France en empruntant les « chemins noirs » les plus reculés, a témoigné de cette omniprésence étouffante, dans nos frais bocages, de la bureaucratie et de ses sinistres acronymes. Ce que réclament les citoyens des campagnes, ce n’est pas de l’argent mais du pouvoir. Le droit et la capacité de s’organiser eux-mêmes. La crise des gilets jaunes ne sera pas calmée par une distribution de bonbons, comme semble le croire le gouvernement qui se ruine en mesurettes pour le pouvoir d’achat. Elle ne peut se résoudre que dans une décentralisation massive et tous azimuts, au niveau à la fois réglementaire, fiscal, institutionnel et politique. Plutôt que de vouloir régler d’un coup de dette les problèmes de tous, donnons à chacun les moyens de résoudre les siens.

La crise des gilets jaunes ne sera pas calmée par une distribution de bonbons, comme semble le croire le gouvernement qui se ruine en mesurettes pour le pouvoir d’achat. Elle ne peut se résoudre que dans une décentralisation massive et tous azimuts, au niveau à la fois réglementaire, fiscal, institutionnel et politique.

Un tel changement de perspective serait compatible avec une Europe des régions qui prendrait la subsidiarité au sérieux. Tout l’inverse de l’Europe dessinée par Emmanuel Macron qui rêve d’ « harmonisation fiscale et réglementaire ». Unité ne signifie pas uniformisation. Que Bruxelles se charge des sujets à fortes externalités comme l’environnement, la défense, le marché intérieur, les négociations commerciales ou l’immigration, et que le reste soit délégué au niveau le plus approprié. Les autonomistes corses ou écossais promeuvent une telle vision, en articulant un projet économique et social de nature régionale avec un fort attachement aux institutions européennes. A l’Assemblée d’Ajaccio, vous pouvez aujourd’hui trouver deux drapeaux : corse et européen. Entre les deux, le tricolore s’est évaporé. Tant mieux ! L’Etat-nation, apparu avec la révolution industrielle et coupable de tant de crimes tout au long du 20e siècle, a fait son temps. Les résurgences souverainistes en sont le chant du cygne.

Un tel changement de perspective serait compatible avec une Europe des régions qui prendrait la subsidiarité au sérieux. Tout l’inverse de l’Europe dessinée par Emmanuel Macron qui rêve d’ « harmonisation fiscale et réglementaire ».

Les gilets jaunes nous forcent à repenser le fédéralisme. Sur les ronds-points, sommes-nous en train de devenir suisses ?


Pour lire le texte de Gaspard Koenig en allemand « Was die Kreisel über die Krise sagen: Im Kern fordern die Gelbwesten mehr Föderalismus » , cliquer ICI.

La concurrence est l’anticoagulant de l’économie

Récemment, la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, a empêché la création d’un monopole du rail en Europe. Dans sa chronique pour Les Echos, Gaspard Koenig lui fait une déclaration d’amour platonique, et revient sur la nécessité de la lutte contre les monopoles, vraie lutte pour la liberté.

 

Le combat de Mme Vestager en faveur de la liberté de marché lui a valu bien des critiques de la part des gouvernements allemands et français. Pourtant, il ne faut pas oublier qu’au-delà de bienfaits économiques, la loi anti-trust est d’abord le symbole de liberté d’entreprendre pour les libertés économiques.

La concurrence est l’anticoagulant du système économique.

La concurrence permet de transmettre des valeurs de diversité, de tolérance, d’innovation. Les reproches fait à l’endroit de Mme Vestager soulignent l’existence d’un problème plus profond, particulièrement à l’heure du développement de l’intelligence artificielle : faut-il privilégier la croissance économique aux libertés individuelles ? Préférons nous la capitalisme d’Etat chinois aux libertés économiques européennes ? Comment agir sur l’échiquier mondial ?

Comme le dit Mme Vestager, nous ne pouvons pas vendre nos libertés pour une meilleure géolocalisation. 


Pour lire la chronique de Gaspard Koenig dans Les Echos « La lutte contre les monopoles est un combat pour la liberté » , cliquer ICI.

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