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Propriété des données personnelles : Koenig & Harari

Propriété des données personnelles : Koenig & Harari

Lors d’une rencontre organisée jeudi dernier par Génération Libre, Le Point et Albin Michel, Gaspard Koenig et l’historien Yuval Noah Harari ont, entre autres sujets, débattu de la notion de patrimonialité des données. En janvier 2018, notre think-tank a publié un rapport en faveur de la patrimonialité des données : « Mes data sont à moi » (lire ICI).

 

Pour visionner le teaser de la conférence, cliquer ICI.

Voici le compte-rendu de l’échange entre Gaspard Koenig et Yuval Noah Harari sur ce sujet.

Gaspard Koenig défend un système de propriété privée des données personnelles dans lequel chacun dispose librement de ses données et peut les vendre si souhaité. Non seulement cela éviterait les problèmes de gouvernance qui émergent dans le cas d’une propriété collective des données, mais aussi chacun déciderait ainsi de la destination des données.

Gaspard Koenig défend un système de propriété privée des données personnelles dans lequel chacun dispose librement de ses données et peut les vendre si souhaité.

Dans son dernier livre, Yuval Noah Harari précise que la possession et la collection des données personnelles est la question politique la plus importante de notre temps. Les données ont en effet un immense impact économique. Prenons l’exemple d’une entreprise qui, en collectant les scans ADN et les dossiers médicaux de dix millions d’individus, et s’en servant, découvre qu’un gène spécifique est responsable d’une certaine maladie. Fort de cette découverte, l’entreprise développe alors un traitement onéreux pour soigner cette maladie, et gagne des millions d’euros de bénéfice, profit réalisé grâce à l’utilisation des données des dix millions d’individus. Cependant, ces individus ne sont pas nécessairement au courant, et n’ont pas forcément donné leur accord à l’utilisation de leurs données.

Pour résoudre ce problème, Yuval Noah Harari imagine un système similaire à celui de Gaspard Koenig, dans lequel celui qui possède ses données médicales peut décider de les vendre à l’entreprise qui lui fait la meilleure offre. L’individu pourrait alors avoir des parts dans l’entreprise, de manière à ce qu’il récupère une part de revenu si l’entreprise génère du profit de l’utilisation de ses données. Dans une moindre mesure, Yuval Noah Harari pense que cela pourrait être une alternative au revenu universel — auquel il est opposé, voir notre article (ICI) sur la question pour plus de détails. En effet, nos données numériques sont nos actifs les plus importants, prévient-il. C’est une proposition qui suscite actuellement beaucoup de projets et recherches, notamment en droit et en économie.

Pour résoudre ce problème, Yuval Noah Harari imagine un système similaire à celui de Gaspard Koenig, dans lequel celui qui possède ses données médicales peut décider de les vendre à l’entreprise qui lui fait la meilleure offre.

Pour Yuval Noah Harari, la propriété privée des data est aussi avantageuse sur le plan collectif, surtout à l’échelle d’un pays. Si actuellement une entreprise va en Argentine pour acheter des mines de fer, elle va rémunérer les Argentins. Si néanmoins elle va en Argentine pour acheter des bases de données numériques, les Argentins ne seront pas rémunérés pour l’appropriation de leur data. Ainsi, tout comme l’OPEC est une organisation mondiale représentant les intérêts des pays exportateurs de pétrole, il devrait y avoir une organisation pour les pays exportateurs de data. Dans un monde révolutionné par l’intelligence artificielle, les pays laissés pour compte et qui n’ont pas d’industries liées à l’IA pourront ainsi avoir une part du gâteau — ce sont d’ailleurs généralement de gros producteurs de data. Le risque sinon est d’assister au développement d’une forme de colonialisme numérique, divisant le monde entre colonisateurs (Silicon Valley, Chine) qui extorquent les données des colonisés (Afrique, Amérique Latine,…) pour les utiliser à leur bénéfice chez eux.

Ainsi, pour Yuval Noah Harari, tout comme l’OPEC est une organisation mondiale représentant les intérêts des pays exportateurs de pétrole, il devrait y avoir une organisation pour les pays exportateurs de data.

Le colonialisme et l’extorsion des matières premières étaient l’apanage du 19ème siècle. Selon Yuval Noah Harari, nous pouvons mieux faire au 21ème siècle. Il est dur cependant de trouver une régulation appropriée concernant les données numériques, la difficulté étant déjà de réussir à conceptualiser ce qu’est une donnée. Ce qu’est la possession d’une donnée n’est pas si évident comparé par exemple à la possession d’un terrain. Un terrain ne peut pas être copié à l’infini. Si la propriété intellectuelle solutionne ce problème pour les livres, la musique, etc., les structures légales qui donneraient aux individus un réel droit de propriété sur leurs données n’existe pas encore.

Une solution à ce problème envisagée par Yuval Noah Harari pourrait être la création de syndicats de propriétaires de data, qui pourront négocier avec Amazon, Ali Baba et autres GAFA des accords d’utilisation des données.

Une solution à ce problème envisagée par Yuval Noah Harari pourrait être la création de syndicats de propriétaires de data, qui pourront négocier avec Amazon, Ali Baba et autres GAFA des accords d’utilisation des données. Ce qu’Amazon veut de moi n’est en effet pas ce que je possède, mais ce que je suis. Il veut savoir ce que j’aime, ce que je n’aime pas, les films que je regarde, etc. Il veut savoir ce qu’est ma vie. Ainsi, pour vendre mes data est d’une certaine manière vendre ma vie, car cela aide les plateformes à atteindre leur but ultime : me connaître mieux que je me connais moi-même, pour m’offrir une meilleure gamme de produits. Ainsi, des syndicats pourraient répondre efficacement à ce problème, rendant plus équitable une relation jusqu’alors très inégalitaire entre entreprises et consommateurs.

Pour lire notre rapport « Mes data sont à moi », cliquer ICI.

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